Les décharges enchantées

Après les fables pétrolières, les prophéties minérales et végétales : ce second temps de la chronique vidéo « Cinécologies » se tourne vers le cinéma d’animation, pour inspecter les puissances de vie qui lui sont propres. Parti de montagnes de déchets, ce montage vidéo aligne des extraits d’arbres et de plantes pour interroger comment ce cinéma des non-humains met en scène leur vitalité.

Ce film est le premier d’une série consacrée aux écologies du cinéma d’animation. Il expose une hypothèse encore incertaine : l’animation, pour bien des raisons – à commencer par son affranchissement par rapport à l’anthropocentrisme –, aurait plus à nous dire sur notre communauté avec les non-humains que le cinéma en prise de vue réelle. Bien sûr, ce dernier est capable de représentations anthropocéniques, bien qu’elles demeurent encore rares. Mais l’animation a ceci de propre qu’elle renégocie sans cesse la distribution des attributs du vivant : animant l’apparemment inerte, elle met en scène une pluralité d’acteurs, un peuple post-humain incluant l’humanité comme une forme de vie parmi d’autres.

Le présent film s’en tient aux prémisses de ces raisonnements. Parti de l’obsession de l’animation contemporaine pour les déchets, il essaie de voir comment elle a mis en scène la mort de la nature « classique » (celle du naturalisme enchanté de Disney) pour observer ce qui surgit ensuite au milieu des décombres. Il s’intéresse donc davantage à la vitalité du végétal qu’aux figures animalières (objet d’un futur film), parce que la première est la condition des secondes.

Cette vitalité, j’ai moins voulu la décrire que la célébrer. C’est pourquoi ma voix n’apparaît qu’au début et au terme du film, quand son centre est fait du chant des images elles-mêmes. Je les ai crues assez éloquentes pour se passer de commentaires. Les résonances ont plus de latences que le verbe. Appelons cela l’échologie des images.

Liste des films cités, par ordre d’apparition :

1 – Toy Story 3, Lee Unkrich, Etats-Unis, 2010

2 – L’Île aux chiens, Wes Anderson, Etats-Unis, 2018

3 – Flowers and Trees, studio Disney, Etats-Unis, 1932

4 – The Legend of the Sky Kingdom, Roger Hawkins, Zimbabwé, 2003

5 – Le Géant de fer, Brad Bird, Etats-Unis, 1999

6 – The Legend of the Sky Kingdom

7 – Bambi meets Godzilla, Marv Newland, Etats-Unis, 1969

8 – Le Géant de fer

9 – Imbued Life, Thomas Johnson, Ivana Bosnjak, Allemagne, 2019

10 – Les Escargots, René Laloux, France, 1966

11 – Man, Steve Cutts, Etats-Unis, 2012

12 – Legend of the Forest, Osamu Tezuka, Japon, 1987

13 – Koko’s Earth Control, frères Fleischer, 1928

14 – Soil is Alive, Beatrice Pucci, Italie, 2015

15 – Imbued Life

16 – Legend of the Forest

17 – Das Rad, Chris Stenner, Arvid Uibel et Heidei Wittlinger, Allemagne, 2003

18 – Soil is Alive

19 – Kumo no ito, Noburô Ôfuji, Japon, 1946

20 – Le Paysagiste, Jacques Drouin, Canada, 1976

21 – Garden of Words, Makoto Shinkai, Japon, 2013

22 – Garden of Words

23 – L’homme qui plantait des arbres, Frédéric Back, Canada, 1987

24 – Legend of the Forest

25 – Listening to Beethoven, Garri Bardine, Russie, 2016

26 – Everything, David O’Reilly, Angleterre, 2017

27 – Le Jardin d’Ecos, Co Hoedeman, Canada, 1997

Comment citer ce texte

Gabriel Bortzmeyer , « Les décharges enchantées », Les Temps qui restent, Numéro 5, Printemps (avril-juin) 2025. Disponible sur http://lestempsquirestent.org/en/numeros/numero-5/les-decharges-enchantees