À quelle époque vivons-nous ?

Peter Wagner revient ici sur la description et l’analyse des discours contemporains qui se réfèrent au passé, à l’histoire ou à la tradition comme témoin de la transformation de notre conscience historique ou sentiment d’historicité.

La période actuelle est souvent évoquée sous l’angle d’une série de crises aux effets cumulatifs. De la crise financière de 2008 à la pandémie de COVID-19 et enfin aux récentes guerres, agression russe contre l’Ukraine (qualifiée de « tournant historique » par le chef du gouvernement allemand), puis attaque du Hamas contre Israël et représailles israéliennes contre la bande de Gaza, sans oublier les effets désastreux du changement climatique, les événements critiques en effet s’accumulent ; et, si différents qu’ils soient, cette accumulation appelle à tenter d’identifier la spécificité du temps présent. Cependant, si l’on considère les diagnostics actuels, de telles tentatives frappent plutôt par leur absence.

Les manières de diagnostiquer et de traiter ces crises sont marquées par une double divergence. Premièrement, ceux qui prônent une ingénierie sociale fragmentaire se confrontent aux critiques de ceux qui voient plus loin. Les premiers soulignent l’urgence soudaine et appellent à des mesures court-termistes : nouvelle réglementation bancaire ; commercialisation du dioxyde de carbone ; développement de vaccins ; intensification de la production d’armes et des voyages diplomatiques. Leurs pourfendeurs insistent sur le fait que de telles mesures ne tiennent pas compte des racines profondes des crises et de la dynamique à long terme des évolutions sociales mondiales. Deuxièmement, ceux qui adoptent une vision à long terme sont à leur tour divisés entre techno-optimistes et penseurs apocalyptiques. Les techno-optimistes affirment que l’humanité a été confrontée à d…

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