inspire
expire
à chaque pied chaque plat
petit pas petit pas petit pas
nos orteils valsent avec les cailloux
nos chants sonnent creux assourdis par la poussière
elles chantent et tonnent sans harmonie
sans portée
juste pour ne pas se perdre ailleurs
que les sirènes restent à leur place
et que l’enchantement ne dérobe rien
elles se portent-voix au rythme de leur poitrine lourde
trébuchées dans le paysage creusé de bassins
de plans d’eau douce
aux odeurs fortes
trois bûchers se dessinent sur le col
désir flou
formes molles
la cendre des braises remplit les talus
la sueur leur fond les tempes
elles se relèvent dans la suie
baisent leurs bras pour faire frémir leurs chairs
et s’assurer d’être vivantes
elles se passent le flambeau
la masse luisante leur glisse entre les mains
sa chaleur se débat entre les seins et les cieux
balade rupestre aux feux follets qui les guident
à chaque coin d’œil une figure animale
ne pas oublier les oubliées avant d’en être
elles cherchent à rattraper leurs rêves qui courent derrière leurs orbites
mais se réconfortent car leurs corps ont bien entendu les murmures et les marches à suivre
elles se regardent les unes et les autres
bêtes humaines
odeur humeur on ne sait plus
elles pourraient s’évader
lâcher la corde qui les relie
peut-être se reposer un peu
s’offrir une joie simple
nos regards perdus se mêlent et les cils se croisent
dans l’ombre certaine
brillent nos sequins sémaphores
balade en forêt on dirait presque
mais il n’y a plus de lisière
les corps se confondent
courbures souples à s’élancer
mélancolie des plaisirs en cadence
elles pensent encore à danser
à désirer sous la brise
silencieusement
touche touche
caressées par les feuilles
touffe touffe
corps à corps
confusion entre les troncs et les trognes
lambeau d’écorce contre leur visage et bras
la sève des pins suinte et colle
le trou d’une taupe les observe
les griffures des ronces racontent
un récit saccadé sur leur peau
le terrier du blaireau comme futur tombeau
les doigts curieux cherchent des yeux nus
on appelle ça parade
on ne sait si ça existe vraiment
car on ne sait ce qui motive une pareille danse
un égoïsme partagé
un unisson de feu de forêt
l’attroupement forme une clairière où plonger
les peaux hérissées par le risque d’y prendre goût
les poils rieurs montrent le chemin des odeurs
se demandent si le vent ne les trompe pas
se fient aux humeurs de la pluie désormais
un gland se rompt sous mon pied
un rossignolet charmant devenu muet
promenade appétente sans que rien ne soit digéré
gourmande et goûtue
aux aguets
ne pas perdre une miette du festin
l’odeur de pluie est toujours là
les étoiles sont toujours là
constellation de nos caresses
chemin de balade des astres
sans trop attendre
doucereuse façon de réveiller nos ombres
corne de brume
oreille tendre
le souffle d’une grenouille résonne
crépite et annonce
chasse et réchauffe
comme un feu qui démarre
nos râles se vautrent dans les plis dénudés
me ravalent la salive m’assèchent
les morales glissent
nos entrailles se prélassent
cherche à tâtons la flaque où sauter à deux pieds
où faire chanter l’eau et marmonner la transe
l’échauffourée me tourne la tête et les hanches
retourne ma langue dans les branches
les corps échancrés prennent de l’élan
la lune rougit et elles s’en foutent
les pores respirent à l’orée débordante
l’œil fermé et l’orteil dilaté dans une crampe
elles s’engouffrent à l’aveugle dans le bal
éprises par le rythme
secouées par les spasmes
des orgasmes surprenants font venir les chouettes
garantes de colporter les nouvelles
leurs sons imprimés sur les lierres
partition de bon sens à bon entendeur
balade en forêt on dirait presque
alors qu’il n’y a plus de lisière
les buissons ont brûlé sous le rire des folles
les chants étaient des brâmes que peu ont compris
reprendre la marche
ramasser du bois pour veiller les cendres
nettoyer les casseroles avec du sable
l’heure de gloire pour les plantes pyrophytes
du repos pour celles en dormance
dans l’attente du prochain raz de marée
elles ne sont pas seules à savoir
que l’aube qui pointe demande des comptes
que chaque cambrure tente un désir
que nos soupirs vont s’épancher
au terme d’un bras de rivière
où les feuilles mortes s’accumulent
balade des champs à venir
et conte des risques à prendre