Tolstoï au mois d’août

Relire La Guerre et la Paix pendant la « trêve estivale », pourquoi ? Peut-être, comme le suggère Frédéric Neyrat, pour nous souvenir de la vérité exprimée par Tolstoï : « La guerre c’est la guerre, ce n’est pas un jouet. Le but, c’est le meurtre ; les moyens : l’espionnage, la trahison, la ruine des habitants », et pour ainsi mieux résister aux slogans martiaux de nos politiques (« nous sommes en guerre », « réarmement démographique », « économie de guerre »…).

« L’amour remplissait son cœur et, aimant les hommes sans raison, il découvrait les raisons évidentes qui les rendaient dignes d’être aimés. »
Tolstoï, La Guerre et la Paix

Pourquoi Tolstoï, pourquoi au mois d’août ? – La Guerre et la Paix : un titre pareil ne pouvait être qu’un bon objet d’investigation pour cette seconde chronique, me disais-je en songeant à ce livre de Tolstoï. D’autant plus quand gronde à nouveau la guerre entre la France et la Russie. Découvrir comment Tolstoï ridiculise Napoléon, cela devrait me faire du bien, ajoutais-je comme justification à ma décision estivale, me souvenant qu’il y a peu un président sans Ray-Ban déclarait, sous la coupole de l’Institut de France : « le soleil d’Austerlitz brille encore ».

Et puis, un roman de deux milles pages, voilà qui me permettrait de passer à travers les Jeux Olympiques sans allumer la radio. Deux milles pages qui mettent sous tension une polarité fondamentale, la guerre et la paix, parallèle à celle de la mort et de la vie, mais aussi du malheur et du bonheur. Guerre, mort, malheur ; paix, vie, bonheur : le moins que l’on puisse dire est que ces mots constellent deux mondes, deux espace-temps bien différents.

Je ne cacherai pas que l’objectif final de cette chronique n’est pas de « déconstruire » cette double constellation. Ni de se contenter du regard « critique », certes nécessaire, mais dont la conclusion serait : puisque le terme de paix peut masquer une guerre larvée, une police des comportements, un extractivisme responsable de l’accélération des désastres de l’Anthropocène, alors débarrassons-nous en. Embrassons la guerre ! Devenons les soldats de la société ! Réarmons tout, l’économie, la démographie, l’écologie ! Écoutons pourtant le prince André, nous sommes en 1812, à la veille de la bataille de Borodino qui verra la première défaite de Napoléon en territoire Russe :

« La guerre c’est la guerre, ce n’est pas un jouet. Qu’est-ce que la guerre ? Le but, c’est le meurtre ; les moyens : l’espionnage, la trahison, la ruine des habitants, le pillage, le vol, la tromperie et le mensonge baptisés ruses de guerre. » La Guerre et la Paix (vol. II, p. 285)

Ces évidences doivent être rappelées. Et tel est peut-être l’ultime objectif de ce livre de Tolstoï : nous conduire vers une évidence, c’est-à-dire étymologiquement ce qui se voit de loin (ex-videre), se manifeste clairement et s’impose – devrait s’imposer – immédiatement. Quelle évidence ? Celle selon laquelle il ne faut pas jouer avec la guerre, parce qu’elle mène toujours au meurtre. Mais encore ?

Ce qui est le cas. – Au cours de ma lecture de La Guerre et la Paix, j’ai sans cesse été étonné par la manière dont les personnages réagissaient. Il m’était impossible d’anticiper leurs réactions, sans que celles-ci n’apparaissent pourtant comme contingentes, ou comme des « actes gratuits ». Non, c’est tout simplement, ai-je fini par comprendre, que ce qu’on lit est ce qui arrive aux personnages au moment où ça leur arrive, sans que l’on puisse attribuer leur affect, leur pensée, leur décision à une cause unique, déterminante.

Ce qui arrive, « tout ce qui arrive », c’est ainsi que Wittgenstein définit le monde dès la première proposition de son Tractatus Logico-Philosophicus (1921) : « der welt is alles, was der Fall ist », on pourrait traduire : le monde, c’est tout ce qui est le cas, tout ce qui tombe (fallen en allemand, to fall en anglais) sous les sens, là, devant nous, tout ce qui nous échoit (pour jouer ici avec le verbe choir et son cousin chuter, tomber donc). Les personnages de La Guerre et la Paix réagissent à ce qui leur tombe dessus, sans savoir pourquoi : Pierre ne comprend jamais ce qui lui arrive, Marie écoute le prince André et « ne comprend pas » ce qu’il est devenu (II, 603), etc. Ne pas comprendre, ne pas savoir, et pourtant être pris par une évidence. « Mais enfin, pourquoi allez-vous à la guerre ? » demande Pierre au prince André au début du roman : « Pourquoi ? » répond ce dernier « Je ne sais pas. Il le faut » (I, 58).

La fameuse description pourtant presque vide que Tolstoï a donné de son livre s’éclaire à cette lumière : « pas un roman, moins encore un poème, moins encore une chronique historique », mais « ce qu’a voulu et a pu exprimer l’auteur dans la forme où cela s’est exprimé » (II, 997). Voilà presqu’une tautologie : eh bien, ce roman, nous dit Tolstoï, il s’est exprimé dans la forme où il s’est exprimé, comme c’est arrivé. Il en est de même des personnages, qui vont à la guerre parce qu’ils vont à la guerre. Cela n’a rien d’absurde, cela veut dire qu’en dernière instance, ce qui arrive ne se donne que dans ce qui arrive, et non à partir d’une causalité préalable, ultime et linéaire : nous devons affronter un « cercle vicieux » où cause et effet s’engendrent l’une l’autre (II, 969).  C’est pour cela que chaque moment, loin d’être fatal, est un nouveau cas, qu’il va falloir traiter pour lui-même si l’on prétend y intervenir. Quant au sens, il viendra de surcroît, et sans préavis.

« On s’avance, et puis on voit ». - La guerre est la vérification de cette approche de l’existence – comme cas, comme ce qui arrive. Ce que Tolstoï nous répète au cours des deux milles pages de son livre, c’est que les historiens ne comprennent rien à la guerre, rien. En effet, ils cherchent à expliquer ce qui est arrivé à partir d’une cause, d’une décision, d’un ordre donné par un général, par Napoléon ou Alexandre Ier. Mais en vérité, ce qui arrive ne répond pas à l’appel d’un ordre ou d’une cause, à aucun plan déterminé. On s’imagine les chefs d’armées penchés sur une carte de la région, choisissant telle ou telle stratégie, telle ou telle tactique, et leurs ennemis faisant de même dans leur salle d’état-major. Et une stratégie sera victorieuse, et cela donnera l’Histoire. Pourtant,

« Les conditions dans lesquelles est placé le général en chef sont toutes différentes : il ne se trouve pas AU COMMENCEMENT mais toujours au milieu d’une série mouvante d'évènements, et de telle sorte que jamais, à aucun moment, il n'est en état de saisir toute la signification de ce qui se passe. La signification se dessine progressivement, insensiblement, de façon continue, se précisant de minute en minute : et à chaque moment de cette progression, le général en chef se trouve au centre d'un jeu complexe d’intrigues, de préoccupations, d'influences, d’autorités diverses, de projets, de conseils, de menaces, de mensonges, et est constamment obligé de répondre aux innombrables questions qu'on lui pose, souvent contradictoires. »
(II, 363)

Imaginez le plan que vous voulez, la réalité se chargera de décider. Napoléon avait-il choisi de s’enfoncer jusqu’à Moscou en 1812 ? Non. Était-ce un piège du général en chef Koutouzof ? Encore moins. Mais par approximations, erreurs, et réussites partielles, ordres qui ne sont pas suivis d’effets ou qui ont été mal compris, victoires imprévues, le champ de bataille se dessine et se redessine, et sa compréhension doit être réactualisée à chaque moment. Ce qui s’impose à chaque fois, c’est « la force des choses » (II, 362) et pas la volonté du chef d’armée, c’est le moral des troupes et tous ces « éléments infinitésimaux » (II, 360) dont l’intégrale est ce qui arrive.

Ce que condense cette formule de Napoléon (qui, je l’avoue dans cette chronique, en dépit de ma détestation de Napoléon chauffée à blanc par le portrait terrible qu’en fait Tolstoï, surtout dans la seconde partie du livre, est la formule de mon existence) : « on s’avance, et puis on voit ».

La ligne. – Il y a voir et voir. Voir la situation, voir aussi ce qui n’y est pas, ou brille par son absence. Nous sommes en 1805, quelques temps avant Austerlitz, avant que l’armée napoléonienne n’affronte les Russes sous les ordres de Koutouzov. Tolstoï décrit à plusieurs reprises ce moment où les ennemis sont à portée de vue, encore immobiles, avant que les combats ne commencent. Ce qui devient visible alors est « cette ligne redoutable, rigide, infranchissable et insaisissable qui sépare deux troupes ennemies » : « un pas seulement au-delà de cette ligne semblable à celle qui sépare les vivants des morts, et c’est l’inconnu, la souffrance, la mort ? » se demande Dénissov, qui compare ce qu’on apprendra « de l’autre côté de la ligne » de combat avec ce qu’on apprendra « de l’autre côté de la mort » (I, 240-241).

La ligne ami-ennemi (ou, faudrait-il dire, ennemi-ennemi) nous importe, car c’est une dimension de la guerre qui structure de part en part le champ politique, c’est peut-être la catégorie politique la plus guerrière, et sans décider dans cette chronique de ce qu’il s’agit d’en faire (la supprimer ? mais à quel prix… ou plutôt la symboliser ? l’intégrer en la limitant dans la politique, cette dernière étant alors un moyen de civiliser la guerre selon une disposition hégélienne de relève, c’est-à-dire d’abolition qui nie, conserve, et dépasse dans une forme nouvelle ?), on peut déjà, lisant Tolstoï, interroger sa nature, ce qu’elle manifeste du champ de bataille.

Car c’est une ligne étrange, puisqu’elle est franchie sans cesse au moment du combat tout en demeurant pourtant « infranchissable et insaisissable ». Elle est « vide » (I, 311), mais aucun sang ne peut remplir ce vide, peut-être parce qu’aucun meurtre ne parvient à se saisir de la mort. On pourrait ajouter que le meurtre, par la guerre toujours engendré, accentue le vide de la ligne de l’ennemi. Et que la multiplication du meurtre, qui s’étend jusqu’au génocide, ne s’essaie en vérité qu’à éliminer l’inconnu. L’inconnu, c’est ce dont la guerre tente de prendre la place ; la guerre, disons cela inversement, c’est le simulacre de l’inconnu.

La Terre et le Ciel. - Être livré à l’inconnu, c’est angoissant, mais c’est merveilleux aussi. Car on ne sait pas ce qui alors peut arriver – le bien, le mal, la mort, la vie, voire la résurrection. Tolstoï, qui donne vie à chacun de ses personnages – comme s’il n’y avait nul figurant mais seulement des figures qui chacune mérite une attention littéraire, en une sorte de démocratie radicale de la littérature qui correspond à sa vision de l’histoire – insiste sur ces êtres qui habiteront un temps le vide de la ligne ennemie et rencontreront alors tout autre chose que la guerre. Blessé, Rostov peut enfin voir « les montagnes bleutées au-delà du Danube, les gorges mystérieuses, les forêts de pin baignant dans la brume. Là c’était la paix, le bonheur » : « Je ne désirerais rien, rien, je ne désirerais plus rien si seulement je me trouvais là-bas. En moi-même et dans ce soleil il y a tant de bonheur ! Et ici… des gémissements, la souffrance, la peur » (I, 249).

Sur sa civière en 1805, le prince André pressent qu’il y a quelque chose d’autre que cela, « d’incompréhensible mais d’essentiel », et au cours de ses visions il dit : « seul le ciel promettait la paix » (I, 483). Et en 1812, après avoir cette fois été mortellement touché, il semble que toute la part de haine en lui s’évanouisse : « Oui, la pitié, l’amour, aimer nos frères, aimer ceux qui nous aiment et ceux qui nous haïssent, nos ennemis … » (II, 347). On pourra voir là, dans ces propos du prince André, le signe précurseur de ce que Steve Hickey appelle le « second Tolstoï », après son immersion dans le Christianisme, qu’il torpille de l’intérieur avec sa relecture anti-Église, anti-État et surtout anti-guerre du Sermon sur la Montagne : là se trouverait le cœur du cœur du christianisme, à savoir « aimez vos ennemis » (Matthieu, 5:44) – ce que Tolstoï appelle, dans son essai Le royaume des cieux est en vous, « la doctrine de la non-résistance au Mal », et pas du tout, comme le dit l’édition française de ce livre au Passager Clandestin, « la doctrine de la non-violence ».

Je reviendrai spécifiquement dans une autre chronique sur la question de la non-violence, et sur Tolstoï à ce propos. Mais ce qui m’importe ici est que s’ajoute aux deux constellations fondamentales plus haut identifiées, à savoir guerre/mort/malheur et paix/vie/bonheur, le couple Terre/Ciel : n’y aurait-il de paix que là-haut, ailleurs, plus tard ? Et la guerre serait-elle alors la loi inflexible de ce monde ? Ne faudrait-il pas être réaliste et finir par s’en rendre compte ? Ou bien nous faut-il plutôt penser que ce sont là les mots de l’État et de l’Église et des pouvoirs en place, qui nous disent : « Acceptez la guerre, car tel est l’ordre du monde ; pour la paix, vous repasserez ; attendez le prochain monde, l’Express de Minuit (qui est parfois très en retard, restriction budgétaire oblige, on ne peut à la fois être au tank et au métro). Prenez vos armes, formez vos bataillons, soyez courageux et mourez jeunes ». Telle est la démocratie du meurtre, qui ne voit qu’en masse et en tranchées, du haut du commandement – que ce dernier soit politique ou intellectuel (réel ou imaginaire).

Expérience et dialectique. - On dira que les épiphanies du prince André et de Rostov ne font que faire signe vers quelque chose de définitivement au-delà de ce monde, d’inaccessible, et parce qu’ils sont proches de la mort. Mais je crois que leur expérience est dialectique : ils ne voient pas le Ciel loin de la Terre, et la paix loin de la guerre, mais au contraire ressentent que le Ciel n’est pas scindé de la Terre et que la paix peut être éprouvée dans le monde de la guerre. Pierre a été fait prisonnier, il a maigri, parle désormais peu, écoute les autres, il a trouvé dans sa détention une forme de liberté, de « paix intérieure » (II, 657). Un soldat l’empêche de passer :

« Ha, ha, ha, riait Pierre. Le soldat ne m’a pas laissé passer, dit-il à haute voix. On me tient en captivité. Qui ? Moi ? Moi ? Mon âme immortelle ! Ha, ha, ha !... — Les larmes lui en venaient aux yeux. » (II, 668)

Quand il regarde alors le ciel, il pense : « “Et tout cela est à moi, et tout cela est en moi, et tout cela est moi ! Et tout cela, ils l’ont pris et enfermé dans un baraquement de planches !” Il sourit et alla dormir auprès de ses camarades ». Ce qui est d’abord vu comme objet extérieur (« à moi ») est ensuite senti comme objet intérieur (« en moi »), cette intériorité formant le sujet lui-même (« moi »). L’expérience de Pierre, comme celle du prince André ou de Rostov, consiste à éprouver ce qui dans le monde, dans l’épreuve d’un corps et non pas à l’écart de celui-ci, n’est pas réductible à ce monde. Si les mots et formules religieuses employées semblent inaccessibles à l’athée, on pourra en trouver d’autres. Comme le mot de paix peut-être, qui est un terme dialectique, totalement terrestre, mais en tant qu’il a métabolisé le céleste, si l’on appelle ainsi le levier à partir duquel il est pensable d’abolir l’ordre guerrier du monde.

Pour une nouvelle éducation esthétique - Tout de même, ces expériences que Tolstoï nous décrit, elles sont déterminées par la guerre, et par un certain type de guerre peut-être : où serait aujourd’hui la ligne de l’ennemi à l’ère de ce que certains appellent l’« hyperguerre », là où ce sont des drones qui officient, des tueurs automatiques qui se « verrouillent » sur un soldat et le suivent jusqu’à l’anéantissement ? Où est cette ligne quand la guerre est asymétrique au point d’être pur massacre, génocide, cruauté sans limite contre des civils ?

Entendons-nous bien, je ne cherche pas ici à faire l’éloge des épiphanies par temps de guerre napoléonienne, mais au contraire à retourner la chronologie de ces expériences, à partir de ce qu’elles délivrent pour penser à rebrousse-temps un monde sans guerre. C’est à nous, penseurs, artistes, éducateurs, de chercher une nouvelle éducation esthétique afin de rendre possible des expériences sensibles de la paix qui ne soient ni aux abords de la guerre, ni formées sur le déni de son existence. Une nouvelle éducation esthétique qui se substitue à l’expérience du front et à son occultation. À nous de chercher à mettre en mots, en concepts et en images, et en définitive en soi, ce qu’est la paix, de la rendre sensible dans ce monde au lieu d’en différer post-mortem la représentation. À Pierre qui avance « qu’un temps viendrait où il n’y aurait plus de guerre », Nikolay Bolkonsky répond, sarcastique : « Vide les veines de leur sang et remplis-les d’eau, alors il n’y aura plus de guerre. Chimères de bonne femme ! » (I, 643). On ne saurait mieux dire : pour la paix, mieux vaut en effet le féminin que le masculin, et il nous faut décider de nos chimères, afin de savoir quelle humanité différente, versant l’eau à tous et non plus le sang des sacrifiés, nous désirons.

En d’autres termes, si le pacifisme aujourd’hui est presqu’inexistant, si nous ne parvenons pas à nous représenter la paix autrement que comme une farce, une faribole que le monde adulte doit brûler sur l’autel du pragmatisme national-économique, voire national-écologique, c’est de notre faute ou plutôt, pour citer Lacan, de notre fait : nous n’avons pas su dialectiser l’inaccessible ; celles et ceux qui ne voyaient pas de soldats dans leurs rues ont cru que leur paix existait alors qu’elle était la guerre des autres, dans le lointain, en Europe Centrale ou en Afrique.

Alors il faudrait se donner cet objectif esthétique, et éducatif : pour toutes et tous, favoriser les expériences de pensée et les pratiques esthétiques à partir desquelles la paix serait vécue comme l’intériorité de l’être. À moi, à toi, en moi, en toi, moi, nous.

Recommander au lieu de commander. - Tout me porte cependant à envisager que notre intériorité aura bien du mal à creuser l’évidence de la paix, et ce sont plutôt les protocoles de guerre qui vont aujourd’hui être montés au front de la propagande. On peut s’attendre à ce que l’effort de guerre emporte les intellectuels. Mais ce n’est pas au pessimisme ou à la colère que me convie La Guerre et la Paix. Ce livre m’est plutôt une invitation à être attentif à ce qui se présente, à ce qui arrive de toute façon, au lieu de rester fasciné par les figures du pouvoir et les chefs de guerre. Bien entendu, ces derniers sont responsables des massacres, des budgets militaires, et des changements climatiques. Mais en ne songeant qu’aux plans qu’ils dessinent, on en oublierait la masse humaine et inhumaine dont ils n’ont nulle idée. C’est que, comme l’explique Tolstoï, plus on commande, moins on participe aux événements (II, 964-965). Passons donc du commandement à la recommandation. La question pour celles et ceux qui tombent ensemble est de savoir intervenir dans le monde sans se soucier des commandes. De cette puissance viendra la paix.

Bibliographie

Pour La Guerre et la Paix, j’utilise la traduction de Boris de Schlœzer (Folio – Gallimard, 2019 (1960)). Le Royaume des cieux est en vous a été republié par les éditions Le Passager Clandestin en 2019. Le livre de Steve Hickey auquel je me réfère est Second Tolstoy : The Sermon on the Mount as Theo-tactics (Pickwick Publications, 2021). Le discours d’Emmanuel Macron pour la Commémoration du bicentenaire de la mort de Napoléon Ier est ici.