Géopolitique des méga-événements sportifs et soft power

Les Jeux olympiques sont-ils vraiment ces innocents instruments de la paix que l’olympisme a toujours vendus ? En analysant les raisons qui motivent les États à organiser les divers méga-événement sportifs d’aujourd’hui, Michel Raspaud montre dans cet article que ceux-ci sont profondément géopolitiques. Les Jeux olympiques, la guerre continuée par d’autres moyens ?

Le 15 juillet 2018, dans la tribune présidentielle du stade Loujniki de Moscou, le jeune président de la République française (40 ans à l’époque) faisait démonstration de son enthousiasme à chaque but de son équipe, sous les yeux de Vladimir Poutine, reçu un an plus tôt à Versailles dans un contexte pourtant tenduÀ l’occasion de l’exposition « Pierre le Grand, un tsar en France, 1717 » ; cf. Marc Semo, « Macron reçoit Poutine à Versailles, dans un contexte lourd de tensions », Le Monde, 22 mai 2017, modifié le 29 mai 2017 [en ligne]., et de Gianni Infantino (président de la FIFA). Deux jours auparavant, faisant le bilan de la compétition, le président de l’instance sportive déclarait : « Il s’agit de la meilleure Coupe du monde de tous les temps. » Comme le souligne Lukas Aubin, « [s]i les JO de Sotchi avaient été le théâtre d’un anti-branding – positif sur l’audience domestique, mais négatif à l’international – la Coupe du monde semble être au contraire la célébration d’un sport power fonctionnel positif et attractifLukas Aubin, La sportoklatura sous Vladimir Poutine. Une géopolitique du sport russe. Paris, Éditions Bréal, 2021, p. 281..» Quatre ans auparavant, au lendemain de la clôture des JO d’hiver de 2014 à Sotchi (7-23 février), la Russie annexait la Crimée (28 février), puis plus tard une partie du Donbass (à partir d’avril), sans grandes réactions internationales, sinon, déjà, quelques sanctions économiques. Il ne fut aucunement question de boycotter la future Coupe du monde… Alors qu’en 2022, la plupart des chefs d’État occidentaux boycottait la cérémonie d’ouverture des JO d’hiver de Pékin (4-20 février), Vladimir Poutine s’y déplaçait pour s’entretenir longuement avec son homologue Xi Jinping. Quatre jours après la fin des Jeux, la Russie agressait l’Ukraine…

A l’approche de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (26 juillet-11 août et 28 août-8 septembre), les discours volontaristes sur « la magie des Jeux » s’intensifient. Paris et la France vont être, en particulier pendant la première partie des épreuves, le centre d’intérêt de la planète médiatique, reléguant au second plan les guerres, les famines, la destruction continue de la planète, l’exploitation des travailleurs à travers les divers « ateliers » du monde… L’être humain a sans doute une faculté supplémentaire par rapport à l’ensemble des êtres vivants: celle de se fabriquer des rêves. Le sport mondialisé, starifié et industrialisé, contribue largement à conforter cette fonction qui, pour paraphraser maladroitement Freud, constitue une illusion pleine d’avenir.

Paris, aux patrimoines historique et artistique exceptionnels, ville touristique mondiale, « Ville Lumière » (et autrefois, ville des Lumières), capitale du luxe par excellence, avait-elle besoin des Jeux olympiques pour faire parler d’elle et attirer encore plus de touristes ? Non, bien sûr. Alors, pourquoi les JO à Paris ? Pourquoi, à travers le monde, un certain nombre de métropoles, de pays (États, gouvernements, édiles locaux…), se portent-ils candidats à l’organisation de méga-événements, propriétés de fédérations sportives supranationales à caractère monopolistique qui mettent en concurrence les candidats, celui ayant obtenu le Graal devant ensuite signer des contrats léonins qui ne respectent généralement pas les législations nationalesM. Raspaud, « Méga-événement sportif et situation d’exception : le Brésil et la Copa 2014 », Les Temps Modernes, n° 678, 2014, p. 122-128., et qui offrent à ces fédérations des avantages financiers incommensurables ?

Si le point de départ des réflexions de ce texte est la tenue des prochains JO et paralympiques de Paris 2024, le point de vue sera élargi à l’ensemble des méga-événements sportifs ayant lieu en divers endroits de la planète. Il s’agira d’identifier les logiques conduisant certains de ces candidats à l’organisation de ces méga-événements, mais aussi d’expliciter les déplacements géographiques que l’on peut constater lors des dernières décennies.

Depuis les premiers Jeux olympiques de 1896 (Athènes), la grande majorité de ceux-ci se sont déroulés en Occident (Europe ou Amérique du Nord) ; il en va de même en ce qui concerne les Jeux d’hiver (contraints par la présence de montagnes, de neige et de froid). Quant à l’autre méga-événement qu’est la Coupe du monde du football, il se déroule en Europe ou en Amérique du sud et latine.

Ce n’est donc que récemment que ces grands rassemblements sportifs internationaux ont vu une évolution de leur positionnement géographique qui renvoie aussi à des évolutions géopolitiques voulues, ou subies et contraintes. Ainsi, certaines nations de l’Est asiatique (Japon, Corée du Sud, Chine) se sont-elles investies dans l’organisation de ces méga-événements sportifs, avec la bénédiction ou la claire volonté du CIO et de la FIFA, car ce sont de nouveaux marchés à conquérir. Cette analyse vaut aussi pour les grandes expositions universelles qui, elles, durent plusieurs mois et non pas quelques semaines.

Mais alors, outre les enjeux sportifs, voire économiques, qu’est-ce qui conduit les États à vouloir candidater et organiser ce genre d’événements ? N’existe-t-il pas d’autres fins plus cachées et plus subtiles ?

Méga-événements sportifs et diplomatie

Pour Joseph NyeJoseph S. Nye, Jr., Soft Power. The Means to Success in World Politics. New York, PublicAffairs, 2004., le soft power est l’habileté à obtenir ce qu’un État veut par le biais de l’attractivité plutôt que de la coercition ou des paiements. Cela advient par l’attraction que constitue la culture d’un pays, mais aussi ses idéaux et ses actions politiques. Lorsque les actions politiques sont perçues comme légitimes par les autres, le soft power s’accroît. Si un État peut faire que les autres admirent ses idéaux et partagent ses buts, il n’est pas nécessaire d’utiliser la carotte et le bâton pour qu’ils aillent dans sa direction. Selon Nye, la séduction est toujours plus efficace que la coercition et de nombreuses valeurs comme la démocratie, les droits humains, et les opportunités individuelles sont profondément séductrices. Ainsi, le soft power repose essentiellement sur trois ressources : sa culture (là où elle attire les autres), ses valeurs politiques (quand il les respecte chez lui et à l’étranger) et sa politique étrangère (quand elle est perçue comme légitime et ayant des valeurs morales).

Tableau 1. Trois types de pouvoir.
D'après Joseph Nye, ibid., p. 31.

Le nation branding – ou marketing national – est une notion récente et consistant à appliquer à la promotion d’un pays ou d’un lieu des méthodes clairement issues des stratégies marketing. Il s’agit donc de rendre singulier un pays ou un territoire par le biais d’un élément spécifique et distinctif issu de sa culture, de son économie, du paysage… Le nation branding permet alors de créer une « image homogène, consistante et solide » du territoire en questionAbel Polese, Tanel Karikmae & Oleksandra Seliverstova, « Estonie : la diplomatie du marketing national », Hermès. La Revue, n° 81, 2018, p. 64-71., par la promotion de certains traits spécifiques de la production, de la tradition, de l’histoire locales qui sont perçus positivement. Néanmoins, cette politique doit être coordonnée pour promouvoir efficacement un pays ou une destination touristique. Le fait important de cette stratégie marketing est que « le renforcement de la réputation d’un pays se produit non seulement aux yeux des gens ordinaires, mais aussi des politiciens, des diplomates, des décideurs, de façon à transformer l’image du rôle politique de ce pays sur la scène internationaleAbel Polese, Tanel Karikmae & Oleksandra Seliverstova, ibid.».

Certains parlent aussi, aujourd’hui, de « diplomaties pluriellesRadovan Gura & Gilles Rouet, « Introduction. Acteurs et pratiques diplomatiques actuelles », in Radovan Gura & Gilles Rouet (dir.), Diplomatie plurielle : acteurs et enjeux. Paris, L’Harmattan, 2018, p. 15-19 (p. 16).», parce que, dans une logique de globalisation, tout peut devenir diplomatique, au sens de mettre de l’huile dans les rouages des relations internationales : l’économie, la culture, le tourisme, la cuisine, la recherche, etc., mais aussi le sport, comme le montre la place prise par les instances sportives supranationales dans les questions diplomatiques : « composante du soft power, le sport constitue un des leviers politiques les plus importants pour le rayonnement international d’un État, mais aussi dans le cadre d’une médiation, d’une négociation dans un contexte difficileRadovan Gura & Gilles Rouet, op. cit., p. 17-18.». Il est évident que, pour certains États, les grandes compétitions sportives internationales sont l’occasion d’exister (Croatie, moins de 4 millions d’habitants, finaliste du Mondial de football 2018), d’affirmer leur puissance (Chine, Russie, États-Unis à chaque édition des Jeux Olympiques), ou de transformer leur image (par l’organisation d’un méga-événement sportif par exemple, comme pour Barcelone et les JO 1992 ou l’Afrique du Sud et le Mondial 2010Sandrine Morel, « Barcelone 1992. La renaissance d’une ville », Le Monde, 21 décembre 2023, p. 16 ; Ramon Suñé, « JO de 1992 : et Barcelone devint «globale» », Courrier international, n° 1746, 18-24 avril 2024, p. 20-21 (La Vanguardia, 24 juillet 2022) ; Sébastien Hervieu, « La nouvelle image de l’Afrique du Sud », Le Monde, 1er novembre 2010 [en ligne].). Le sport multiplie les possibilités, étant tout à la fois vecteur de développement économique et social, capable de promouvoir l’image d’un pays ou d’une ville (qui en Europe aurait connu Auxerre sans le football ?), un facteur d’unité interne (au moins momentané lors d’une grande victoire…). Il existe dorénavant une nouvelle forme de diplomatie : la « diplomatie sportiveRadovan Gura & Gilles Rouet, op. cit., p. 18.».

Les temps ayant changé, aussi, pour le géo-politologue Pascal Boniface, plus que les écrivains, les cinéastes ou les acteurs et actrices, « le champion ou une équipe de sport collectif contribue au prestige national, au rayonnement d’un pays et à sa notoriété positivePascal Boniface, Géopolitique du sport. Paris, Armand Colin, 1994, p. 14.» ; « (…) l’exploit sportif est devenu la manière la plus efficace pour susciter popularité et attractivité. C’est une démonstration de force, mais perçue comme positive, permettant de conquérir le cœur et les esprits, d’impressionner l’opinion publique mondiale. C’est l’un des rares domaines où la suprématie d’un pays ne suscite pas le rejet mais l’admirationPascal Boniface, ibid.».

Si la diplomatie, dans son acception traditionnelle, consiste dans la communication, l’échange et le dialogue entre États, la diplomatie sportive consiste souvent pour les gouvernements à employer des sportifs pour faire passer ou renforcer un message à caractère diplomatique, ou bien tirer profit de l’organisation de méga-événements sportifs à fin de diplomatie publique, ou encore calmer des tensions ou tester d’éventuels changements de politiquePeter Terem, Ivan Stulajter & Matus Stujalter, « The Relevance of Sport Diplomacy », in Radovan Gura & Gilles Rouet (dir.), Diplomatie plurielle : acteurs et enjeux. Paris, L’Harmattan, 2018, p.107-122..

Comme indiqué en introduction, si de nombreux chefs d’État ou de gouvernements occidentaux ont boycotté – pour des raisons de non-respect des droits humains – la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver 2022 de Pékin, Vladimir Poutine n’avait pas manqué de s’y rendre afin de discuter avec son allié Xi Jinping des affaires du monde et, très probablement, des problèmes que lui posait l’ouest de ses frontières…

La diplomatie sportive de la France

Au cours des dernières décennies, la ville de Paris avait postulé par trois fois à l’organisation des Jeux d’été : pour ceux de 1992 (Barcelone), de 2008 (Pékin), de 2012 (Londres). Trois échecs ! Ce dernier en particulier (vote du CIO le 6 juillet 2005 à Singapour, 54 voix pour Londres contre 50 pour Paris) a été durement ressenti par la délégation française et l’ensemble du monde sportif. Aussi, se relever de cet échec et obtenir l’organisation d’un événement aussi prestigieux sur le sol national revêtait une importance considérable pour le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le mouvement sportif dans son ensemble. Et tout autant pour le monde politique ! En effet, l’attractivité économique du territoire national, à travers l’événementiel et le tourisme, est devenue un enjeu majeur depuis la présidence de Nicolas Sarkozy, lequel y a porté une grande attention en prévision de la candidature de la France à l’organisation de l’Euro de football 2016, à un moment où le taux de chômage s’élevait à 8 % (nous sommes en 2007Article « chômage », Tableau de l’économie française. Édition 2010. Paris, INSEE [en ligne].) et dans un pays qui subit une « désindustrialisation prononcéeRonan Planchon, « Pourquoi la désindustrialisation a été une catastrophe pour la France », Le Figaro, 27 mars 2023, mis à jour le 28 mars 2023 [en ligne].».

Tableau 2. Rapports officiels à propos des événements et installations sportifs, 2008-2010.
Tableau tiré de Michel Raspaud, “As apostas sociopolíticas e esportivas dos Jogos Olímpicos e Paralímpicos de verão em Paris 2024”. Argumentos, Vol. 17, n. 2, jul./dez. 2020, p. 55-83 [en ligne].

Alors que deux projets étaient en concurrence (Exposition universelle 2025 et JO 2024), et bien que la maire de Paris Anne Hidalgo fût plutôt favorable à la première, ce sont finalement les Jeux qui furent privilégiés par la volonté du président François Hollande. ils furent défendus devant le CIO, et organisés.

De ces trois échecs, le dernier en particulier laissa un goût amer chez les membres de l’équipe de candidature et, plus largement, au sein du CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français). Mais aussi dans la classe politique puisque toute candidature pour être valide doit recevoir le soutien et l’engagement de l’État et du Gouvernement. Cette succession malheureuse ne correspondait pas non plus à l’image que le pays se fait de lui-même, non plus ses hommes et femmes politiques, et de la place que la France se doit de tenir dans le concert des nations, dans quelque domaine que ce soit (diplomatie, économie, mode et luxe, science, culture… et sport).

En France, l’année sportive est rythmée par plusieurs compétitions de portée mondiale comme, bien sûr, le Tour de France cycliste (depuis 1903), les 24 heures du Mans (1923) ou le Tournoi de tennis de Roland-Garros (1925). Mais, depuis la Coupe du monde de football de 1998, le territoire national est devenu une terre d’accueil pour de très nombreux événements continentaux ou mondiaux.

Tableau 3. Événements sportifs mondiaux organisés en France, 1998-2024.

Cette longue liste dont l’apogée sera les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 répond à une double stratégie : d’une part, celle des fédérations sportives qui ont tout intérêt à dynamiser leurs dirigeants et adhérents par l’organisation de tels événements tous présentés comme enthousiasmants ; d’autre part, celle de l’État et du Gouvernement, car ces événements sont considérés sous un double titre : dynamiser l’économie et renforcer l’image d’une France sportive.

Le sport, par ses valeurs propres que mettent en avant les fédérations, universalistes, apolitiques, hédonistes, comportementales, hygiéniques, et par sa capacité à susciter l’adhésion, l’identification et l’émotion, constitue un fantastique outil de communication. Les États et Gouvernements l’ont bien compris, qui ont depuis longtemps intégré le sport dans leur communication diplomatique, notamment pour affirmer la supériorité de leur modèle idéologique (Spartakiades des pays communistes à partir de 1928, coupe du monde « mussolinienne » de 1934, Jeux olympiques d’hiver et d’été de 1936 à Garmisch-Partenkirchen et Berlin, etc.). La diplomatie sportive n’est donc pas une nouveauté: elle est un outil de communication et de reconnaissance internationale, désormais intégré et institutionnalisé. Particulièrement en France: Laurent Fabius, alors ministre des Affaires Étrangères, s’exprimait en ces termes en 2014:

« Une stratégie sportive a été définie pour notre diplomatie et j’ai nommé un ambassadeur pour le sport, Jean Lévy, afin d’en coordonner la mise en œuvre. Cette mobilisation a été officiellement lancée en janvier 2014 au Quai d’Orsay, en présence de la ministre des SportsAlors Valérie Fourneyron., de grands sportifs, des principaux responsables du mouvement sportif et d’une vingtaine de nos ambassadeurs dont les pays de résidence sont particulièrement concernésÉtaient présents, les ambassadeurs en Chine, Japon, Royaume Uni, Italie, Allemagne, Qatar, etc..

La diplomatie sportive de la France, outil de notre rayonnement international et de notre compétitivité, poursuivra plusieurs objectifs :

- renforcer l’attractivité de notre territoire pour les grands événements sportifs et nous mobiliser davantage pour les candidatures françaises ;

- améliorer la place de nos entreprises sur les marchés liés au sport (exportations, investissements, contrats de retransmission médias) ;

- développer la représentation française dans les instances sportives internationales, en particulier aux postes de décision ;

- mieux diffuser nos positions sur l’éthique et l’intégrité dans le sport ;

- promouvoir le français comme langue officielle du mouvement olympique.

[…] Le sport devient un secteur d’activités quotidiennes à part entière, intégré dans le plan d’action que chaque ambassadeur doit définir. L’outil diplomatique est mis à l’écoute et à la disposition du monde sportif et de nos champions.

Des instructions ont été adressées à nos ambassades et le travail en ce sens a commencé. Le sport est désormais intégré à la diplomatie économique : il s’agira d’identifier les opportunités économiques, en matière d’équipements, d’infrastructures, d’articles sportifs, etc., afin de permettre à des entreprises françaises d’y répondreDiscours de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, janvier 2014.… »

On voit que, dès la fin des années 2000, avec Nicolas Sarkozy, puis ensuite avec Laurent Fabius, la France s’est engagée massivement dans la voie de la diplomatie sportive. Non sans efficacité: l’obtention de l’organisation de l’Euro masculin de football 2016, de la Coupe du monde féminine de football 2019, de la Coupe du monde de rugby 2023, des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été 2024 sont là pour le démontrer. Il faut rappeler que le cahier des charges des organismes détenteurs de ces événements (UEFA, FIFA, CIO…) exige, pour que le dossier de candidature soit recevable, l’engagement formel du Gouvernement en soutien du Comité local de candidature, puis du Comité local d’organisation en cas d’attribution.

Tableau 4. Liste des ambassadeurs français du sport, 2014-2024.

Si la France, qui est de longue date une puissance géopolitique (droit de véto au Conseil de sécurité de l’ONU), militaire, économique, culturelle et artistique, ne semble avoir compris que récemment l’intérêt de développer une diplomatie sportive venant compléter son arsenal en matière diplomatique, certains pays du Golfe arabo-persique, certes financièrement richissimes du fait de l’exploitation des hydrocarbures, mais moins dotés dans les autres domaines cités, semblent l’avoir compris bien plus tôt.

Il est intéressant de noter que dans cette région du monde, et dans d’autres ailleurs, de nombreux États ont développé une politique agressive en direction des instances sportives internationales pour organiser des compétitions de grande notoriété sur leur territoire (on y reviendra), investir à l’étranger dans de grands clubs sportifs (Qatar au Paris-Saint-Germain, Arabie Saoudite à Newcastle United, participation non majoritaire du Bahreïn dans Paris FC), afficher le nom de leurs compagnies aériennes sur les maillots de grands clubs (Qatar Airways au PSG, Emirates au Real Madrid), financer des équipes cyclistes (Astana Qazaqstan Team, Bahrain-Victorious, UAE Team Emirates, Israel-Premier Tech), des lieux prestigieux (comme Emirates Stadium à Arsenal ou Etihad Stadium à Manchester City).

Le Qatar est donc loin d’être seul : les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn, désormais l’Arabie Saoudite, et à un degré moindre, le Koweït ou Oman, se sont engagés dans une stratégie de « diplomatie sportive », en espérant que le soft power du sport leur rapporte, économiquement et politiquement. En effet, les enjeux sont de deux types, mais étroitement mêlés : d’une part, les monarchies du Golfe savent bien qu’elles sont assises sur des réserves pétro-gazières qui s’épuisent – qui plus est dans une conjoncture climatique qui fait que les États de la planète cherchent à réduire les consommations d’énergies carbonées –, et qu’il faut donc trouver d’autres ressources ; d’autre part, politiquement, la région du Golfe arabo-persique était déjà sous tension du fait de situations conflictuelles (comme la guerre entre Israël et le Hamas en témoigne) et le sport semble un bon moyen de s’accoler une image positive. Si le Qatar est donc loin d’être isolé, il est un exemple privilégié qui mérite qu’on s’y arrête.

La stratégie passée du Qatar : un enjeu existentielBeaucoup de passages des paragraphes suivants sont repris de Thierry Côme & Michel Raspaud, « La diplomatie sportive, enjeu stratégique pour le Qatar », Hermès. La Revue, n° 81, 2018, p. 169-175.

Le sport a permis au Qatar d’être reconnu internationalement après son indépendance il y a tout juste un demi-siècle (1971). La monarchie régnante a compris rapidement la nécessité d’exister sur le plan international à la suite de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990 mais aussi du fait de sa localisation géopolitique, entre Arabie Saoudite et Iran. Certes, dès après le coup d’État du cheik Hamad ben Khalifa Al-Thani contre son père (27 juin 1995), la création de la chaîne Al-Jazeera (novembre 1996) et sa relative liberté de ton, suite à l’abolition du contrôle de l’information, ont assuré au Qatar une audience inégalée dans l’espace arabophone, lui offrant une première reconnaissanceClaire-Gabrielle Talon, Al Jazeera. Liberté d’expression et pétromonarchie. Paris, Presses Universitaires de France, 2011.. Par la suite, le Qatar a suivi une stratégie classique de substitution au tout-gaz, via le fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA) créé en 2005 : l’investissement des gazodollars dans nombre d’entreprises de toutes sortes sur les cinq continentsBenjamin Barthe, « Qatar. Les ambitions démesurées d’une micro-monarchie », Le Monde, cahier Géo & Politique, 26-27 février 2012, p. 4-5 [également en ligne]. permettant de diversifier l’économie tout en sécurisant l’État grâce à ses partenariats internationaux.

Mais les autorités qataries ont dépassé ces stratégies en décidant de développer une stratégie diplomatique qui s’appuie sur une langue désormais universellement partagée, celle du sport. Ce premier objectif de reconnaissance via le sport a été atteint progressivement.

Il a été atteint d’abord grâce à la participation de certains ressortissants qataris aux instances sportives internationales, comme par exemple Mohamed bin Hammam, président de l’Asian football confederation (AFC) qui intègre le comité exécutif de la Fédération internationale de football association (FIFA) en 1996 au sein duquel il a joué ensuite un rôle décisif. De même, l’actuel émir du Qatar, cheik Tamim Al-Thani, est-il membre du CIO depuis 2002.

Mais c’est au moment de l’arrivée au pouvoir de son père en 1995 qu’une impulsion décisive est donnée, visant à faire du sport un axe prioritaire du développement socio-économique local, avec un double objectif : inciter les Qataris à pratiquer et, surtout, affirmer la place du pays sur la scène diplomatique internationale par l’organisation de grands événements sportifs« Qatar : la diplomatie par le sport », Légisport. Bulletin d’Information Juridiques Sportives, n° 124, mars-avril 2017 (8 rue d’Arcole, 13006 Marseille)., lesquels ont pris de plus en plus d’importance au fil du temps comme instrument de communication du fait de la mondialisation médiatique. Ainsi, après le premier open de tennis masculin de Doha (1993), c’est sa version féminine qui est déclinée (2001), puis c’est la mise sur pied du meeting annuel d’athlétisme de Doha (depuis 1997) qui est l’une des quatorze épreuves de la Diamond League. Suivent l’organisation des Jeux asiatiques toujours à Doha (2006)Rassemblant 9520 athlètes de 45 nations, pour 424 épreuves dans 39 sports., le championnat du monde masculin de handball, puis les championnats du monde d’athlétisme encore à Doha en 2019. De plus en plus ambitieuse, Doha a déjà déposé par deux fois sa candidature à l’organisation des Jeux olympiques d’été, pour les éditions de 2016 (Rio de Janeiro) et 2020 (Tokyo), pour l’instant sans succès : dans le premier cas, il lui fut reproché les dates proposées (14-30 octobre) ne correspondant pas à la période traditionnelle (juillet-août)Pourtant, depuis la Seconde Guerre mondiale, des Jeux ont été organisés en novembre-décembre (Melbourne, 1956), octobre (Tokyo 1964, Mexico 1968), septembre-octobre (Séoul 1988, Sydney 2000). ; dans le second, un accord avait été trouvé entre le CIO et le Comité de candidature pour une période à cheval sur septembre-octobre, mais Doha fut exclue de la shortlist (23 mai 2012) sans que l’on en sache bien les raisons — sinon, peut-être, que l’obtention du Mondial 2022 (le 2 décembre 2010) et ses rumeurs de corruptionRémi Dupré, « Joseph Blatter prolonge son règne sur la FIFA », Le Monde, 3 juin 2011, p. 22 ; cf. Heidi Blake & Jonathan Calvert, L’homme qui acheta une Coupe du monde. Le complot qatari. Paris, Hugo et Compagnie, 2016.échaudèrent le CIO —, au grand désappointement du Secrétaire général du Comité Olympique du QatarGB Staff, « Doha 2020 Disappointed And Surprised Over Shortlist Elimination », Wednesday, May 23, 2012 ; https://web.archive.org/web/20120817092013/http://www.gamesbids.com/eng/olympic_bids/2020_bid_news/1216136206.html. Cependant, après l’organisation réussie de la Coupe du monde, il n’est pas impossible que Doha trouve du crédit auprès du CIO lequel, étant donné l’érosion du nombre de candidatures« Il y a encore deux ans [2015], Boston, Hambourg, Rome, et Budapest avaient manifesté leur intérêt pour 2024. Depuis, toutes ont fait machine arrière, les unes par souci d’économies, les autres par crainte d’une population défavorable ». Adrien Pécout, « Paris 2024, c’est comme si c’était fait », Le Monde, 2 août 2017, p. 12., a mis en place une nouvelle procédure en juin 2019 qui abandonne la mise en concurrence pour privilégier un « dialogue continu » avec les villes candidates, « mode de désignation [qui] laisse un espoir à long terme » selon le géopoliticien du sport Jean-Baptiste GuéganPierre-Louis Caron, « Jeux olympiques : pourquoi personne (ou presque) hormis Brisbane n’a voulu organiser les JO de 2032 ? », franceinfo, 22 juillet 2021 [en ligne]..

Mais la diplomatie du Qatar et son instrumentalisation du sport vont bien au-delà de cette reconnaissance internationale et de l’affirmation de sa place (et donc de son indépendance) dans le concert des nations. Le sport est utilisé pour accroître son influence dans les pays occidentaux, directement auprès des populations de ces pays. L’investissement direct dans les sports professionnels est privilégié, en particulier la prise de contrôle de clubs de football de haut niveau comme celui du PSG en 2011 et son rachat par le fonds souverain dédié au sport, Qatar Sports Investments (QSI), dont le président n’est autre que celui du PSG, Nasser Al-Khelaifi, ancien joueur de tennis. Cependant, c’est surtout la création d’un empire médiatique, basé sur la diffusion de sport, qui accroît sans aucune commune mesure la notoriété et l’image positive du Qatar. Ainsi, la chaîne Al-Jazeera Sport a été lancée en 2003 (aujourd’hui beIN Media Group), dont Nasser Al-Khelaifi est aussi le président, et qui s’était portée acquéreuse pour le territoire français des compétitions de football de la Ligue 1, de la Ligue des champions, mais surtout des Coupes du monde 2018 et 2022BeIN Sports revendiquait 3,5 millions d’abonnés français (Le Figaro, 15 septembre 2017)..

Mais la politique de communication suivie a également des objectifs économiques de court terme et de pérennisation de l’existence post-gaz du pays. Les infrastructures construites tant pour le spectacle sportif que pour la pratique et la recherche (notamment dans le contrôle anti-dopage, la préparation physique, etc.), les compétences organisationnelles et événementielles, les médias sont autant d’éléments permettant de faire émerger une économie basée sur le sport et le tourisme sportif, capable d’assurer à ce petit pays un avenir lorsque les stocks de gaz seront épuisés.

Il n’en va pas de même avec l’implication du Qatar dans les résultats des clubs où il a investi, car ces derniers constituent une affirmation de la supériorité régionale, comme le montre la rivalité entre Manchester CityPropriété, depuis 2008, de Mansour Ben Zayed Al-Nahyan, membre de la famille royale d’Abu Dhabi.et le PSG. Ce dernier club occupe une importance symbolique et communicationnelle considérable dans la stratégie globale qatarie. En effet, comme le souligne Nabil EnnasriAuteur de L’énigme du Qatar. Paris, IRIS Éditions, 2013., directeur de l’Observatoire du Qatar : « le football est la deuxième religion du Moyen-Orient. Si l’équipe nationale ne brille pas, le PSG le fera à sa place. Et Tamim pourra garder la tête hauteBenjamin Barthe & Rémi Dupré, « Qatar football club, Le Monde, 14 septembre 2017, p. 14-15.

Par le biais du soft power que constitue la diplomatie sportive, le Qatar cherche ainsi à accroître sa notoriété, augmenter le courant de sympathie mondial à son égard, se rendre d’une certaine manière indispensable aux instances sportives par le biais de ses financements (via le sponsoring, comme avec le Qatar-Prix de l’Arc de Triomphe par le Qatar Racing and Equestrian Club depuis 2008). Mais aussi à consolider ses positions financières et géopolitiques en diversifiant son économie pour la pérennité de celle-ci.

À Zurich, le 2 décembre 2010, les vingt-deux membres du Comité exécutif de la FIFA attribuent, lors d’une même session, l’organisation de deux Coupes du monde : celle de 2018 à la Russie, et celle de 2022 au Qatar ! C’est une véritable bombe dans le monde du football, du sport, mais aussi de la politique mondiale : l’un des plus petits pays de la planète par sa surface et sa population va accueillir l’une des plus grandes compétitions sportives au monde — et l’une des plus médiatisées. Le Qatar se retrouve dès lors, pour une douzaine d’années, sous le feu des projecteurs de l’actualité sportive, mais pas seulement puisque de nombreuses questions vont être posées et des controverses se développerPaul Michel Brannagan & Danyel Reiche, Qatar and the 2022 FIFA World Cup. Politics, Controversy, Change. Cham (Suisse), Pelgrave Macmillan (Springer Nature Switzerland), 2022.: logique de cette attribution, chaleur insupportable aux mois de juin-juillet, construction des stades, situation des droits humains et des travailleurs, retentissantes affaires de personnes littéralement « séquestrées »Stéphane Morello, Séquestré au Qatar. Paris, Max Milo Éditions, 2015 ; Zahir Belounis, Dans les griffes du Qatar. Paris, Éditions Robert Laffont, 2015 ; Jean-Pierre Marongiu, InQarcéré. Paris, Éditions Les Nouveaux Auteurs, 2019., dépenses budgétaires pour l’organisation de l’événement dépassant tout entendement…

La stratégie de l’Arabie Saoudite aujourd’hui : le sport, arme de séduction massive ?Les paragraphes qui suivent sont partiellement extraits de mon chapitre « « Le grand virage ‘sportif’ de l’Arabie saoudite sous MBS », in Gilles Rouet & Nicolas Peyre (dir.), Sport, communication et politique. Paris, CNRS Éditions, ‘Les Essentiel d’Hermès’, 2024, p. 187-199.

Cette Coupe du monde 2022 au Qatar, malgré les controverses la précédant, fut en définitive une réussite tant organisationnelle que sportive et populaire. L’équipe nationale d’Arabie saoudite y a tiré son épingle du jeu par une franche victoire contre l’Argentine (2-1), future vainqueure, mettant fin à 36 matches d’invincibilité. Le roi Salman, satisfait de ce résultat, accorda un jour férié en l’honneur de l’exploit. Alors que la FIFA, suivant un principe de continent tournant, avait décidé que l’édition 2034 aurait lieu en Asie-Océanie, l’Indonésie d’abord, puis l’Australie ensuite s’étant retirées, l’Arabie saoudite reste la seule candidate. Cette très probable organisation (décision de la FIFA fin 2024) viendra conforter les projets du prince héritier Mohammed Ben Salman contenus dans Vision 2030Saudi Vision 2020 : https://www.vision2030.gov.sa/en/, laquelle « ambitionne de faire du Royaume une économie solide et performante où l’accent serait mis sur le rêve de construire une société vibrante, fière et patriotiqueFatiha Dazi-Héni, L’Arabie Saoudite en 100 questions. Paris, Éditions Tallandier, 2020, p. 138.».

Comme pour le Qatar, la ressource principale de l’Arabie Saoudite consiste en l’exportation d’hydrocarbures via la société nationale Aramco. Toutefois, ce revenu fluctue suivant l’évolution du prix du baril, et l’économie de rente et les largesses de l’État-providence ne sont aujourd’hui plus envisageables. Ce sont en partie ces raisons qui conduisirent à l’élaboration de Vision 2030, projet visant à transformer l’économie et la société. Le pays s’est donc engagé à la modernisation et la diversification de son économie, par des investissements massifs dans les nouvelles technologies, le tourisme, les arts et la culture, le sport (avec la création de trois nouveaux ministères en 2020 : Tourisme, Sports, et Investissement). Ces investissements sont réalisés par le PIF (Public Investment Funds), fonds souverain aux plus de 600 milliards de dollars d’actifs, alimenté en partie par la vente de 1,5 % du capital d’Aramco en 2019.

Pour cette transformation et modernisation de l’économie et de la société, Mohamed Ben Salman s’appuie sur le fait que 70 % de la population a moins de 35 ans. C’est à cette jeunesse que s’adressent les réformes sociétales : « en captant la jeunesse, son but est de créer une identité culturelle générationnelleFatiha Dazi-Héni, ibid., p. 138.», mais aussi de se légitimer à la tête de l’État. Et ces réformes se succèdent : mise au pas de la Muttawa (police des mœurs), à qui a été retiré le pouvoir d’interpellation (2016), autorisation des concerts de musique (2016), lever de l’interdiction de conduire pour les femmes (2017), réouverture des cinémas (2018), fin de la ségrégation entre les sexes dans les restaurants (2019), autorisation pour les magasins de rester ouverts durant les temps de prière (2021), introduction de la mixité dans l’espace public (dont les stades), obtention par les femmes du droit d’étudier, d’avoir un passeport, de voyager et travailler sans l’autorisation d’un tuteur masculin. Et ouverture, cette année 2024, d’une première boîte de nuit à RiyadSamer Al-Atrush, « Alors on danse à Riyad ? », Courier international, n° 1753, 6-12 juin 2024, p. 14 (repris de The Times, Londres, 21 mai 2024).! Cependant, cette libéralisation des mœurs n’empêche pas que militantes féministes et autres dissidents soient emprisonnés, le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi rappelant que « la question des droits de l’homme n’y aura jamais la même importance qu’en Occident et [qu’] il serait naïf d’espérer qu’il en soit autrementIsabelle Lasserre, Le Paradoxe saoudien. Paris, L’Archipel, 2029, p. 14.».

Vision 2030 est orientée vers la jeunesse car la sédentarité constitue un problème de santé : l’obésité, le diabète et les maladies cardiaques sont importantes. Il s’agit d’encourager la population, et surtout la plus jeune, à développer un mode de vie plus sain ; le sport en est un instrument : « un mode de vie sain et équilibré est un pilier essentiel d’une qualité de vie élevée. Pourtant, les possibilités de pratique régulière d’un sport sont souvent limitées. Cela va changerSaudi Vision 2030, p. 22. ».

Le football étant « la deuxième religion du Moyen-Orient », il est devenu l’un des éléments-clés de cette stratégie. Ainsi, la Saudi Pro League a vu le PIF prendre des participations à hauteur de 75 % dans les quatre clubs les plus populaires du pays à Riyad (Al-Nassr et Al-Hilal) et Djedda (Al-Ahli et Al-Ittihad), ceux-ci dépensant 835,1 M€ à l’été 2023 pour engager une myriade de stars des championnats européensBaptiste Brossillon, « Football : le modèle de la Saudi Pro League peut-il s’imposer ? », The Conversation, 2 novembre 2023 [en ligne].. Auparavant, en octobre 2021, le PIF avait racheté le club de Newcastle United, pour la somme de 305 M£ (360 M€). Enfin, il existe même dorénavant un championnat féminin de football, composé de deux divisions et qui, lui aussi, attire des joueuses européennesJulie Kermarrec, « L’Arabie Saoudite investit aussi dans le football féminin », Ouest-France, 14 septembre 2023 [en ligne]..

Un autre aspect majeur de la diversification économique via le sport consiste en l’organisation de méga-événements. L’Arabie saoudite était restée très en retard par rapport au Qatar (qui comme on l’a vu fait figure de précurseur), et aux Émirats. Mais depuis la présentation de Vision 2030 (avril 2016), elle ne cesse de proposer des événements qui l’identifient sur l’échiquier mondial. Deux modalités existent concernant ces organisations : soit des méga-événements exceptionnels, soit des événements récurrents d’une année sur l’autre.

Ainsi, depuis 2020, l’Arabie saoudite accueille le « Dakar », propriété d’Amaury Sport Organisation, pour une période d’au moins cinq ans. Pour certains, cette organisation « correspond parfaitement à l’image et diffuse l’attractivité touristique du pays hôte auprès des futurs visiteursFabio Scarfo, « La fin de la guerre du golf », L’Équipe, 7 juin 2023, p. 24. ».». Mais le pays tente de prendre place dans plusieurs sports : l’automobile, avec l’organisation depuis 2021 à Djedda d’un Grand Prix de F1 (en retard sur Bahreïn, 2004, les Émirats, 2009), mais aussi la E-Formule 1 Grand Prix à Diriyah depuis 2019 pour valoriser ses engagements climatiques (neutralité carbone en 2060).

Parmi les autres événements récurrents, il y a le tournoi de golf Aramco Saudi Ladies International (dans le cadre du Ladies European Tour) depuis 2020, et dont la dotation est montée à 5 M$ en 2023. De façon moins régulière, la Diriyah Tennis Cup, organisée une première fois en 2019, puis reprise à partir de 2022. Le montant de la dotation globale : 3 M$, dont 1 M$ au vainqueur. Une initiative a agité le monde du golf car le PIF, avec l’aide de l’ancien champion australien Greg Norman, a décidé d’organiser un nouveau circuit, concurrent du PGA Tour et du Tour européen : la LIVe Golf Invitational Series, composée de huit tournois (dont un en Arabie saoudite), dotés chacun de 25 M$ de prix (plus que le plus rémunérateur des autres circuits : 20 M$). Les deux institutions traditionnelles ont très mal pris cette initiative décidant de bannir tout golfeur qui y participerait. Cependant, après plus d’un an de polémiques, puis de négociations, les trois circuits ont trouvé un terrain d’entente avec « un accord historique pour unifier le golf à l’échelle mondialeRobert Kaspar, « Hosting Mega-Events in the Gulf », in Danyel Reiche & Paul Michael Brannagan (Eds.), Routledge Handbook of Sport in the Middle East. London and New York, Routledge, 2022, p. 276-286 (p. 279). ». Le PIF serait encore derrière un projet orienté vers le cyclisme cette fois, One Cycling, pour lequel il investirait 250 M€, mais les états-majors des équipes semblent peu enthousiasmésAlexandre Roos, « One Cycling et beaucoup de questions », L’Équipe, 29 février 2024, p. 25..

Tableau 5. Prochains méga-événements sportifs organisés en Arabie Saoudite.

Comme on l’a rappelé plus haut, le « soft power — qui amène les autres à vouloir les résultats que vous souhaitez — coopte les gens plutôt que de les contraindreJoseph Nye, op. cit., p. 5.». En ce sens, il consiste en « la capacité d’un pays à structurer une situation de telle manière que d’autres pays développent des préférences ou définissent leurs intérêts en harmonie avec les siensMarc Semo, « Soft Power », Le Monde, 28 novembre 2019, p. 32..

En Arabie saoudite, l’enthousiasme est considérable quant à ce statut émergent de superpuissance sportive. Par le biais du PIF, le pays sera sans doute l’un des grands acteurs du sport international, et éteindra peut-être les critiques, en particulier en ce qui concerne les droits humains, ce qui constitue l’un des buts recherchés. Cependant, il ne s’agit pas seulement de « sportwashing ». Car si

« l’enthousiasme de ces responsables peut être considéré par certains observateurs comme de simples relations publiques […] il reflète une prise de conscience croissante en Arabie saoudite que son problème d’image internationale a des conséquences économiques néfastesNatalie Koch, « Sporting Cities and Economic Diversification in the Arabian Peninsula », in Danyel Reiche & Paul Michael Brannagan (Eds.), Routledge Handbook of Sport in the Middle East. London and New York, Routledge, 2022, p. 287-296 (p. 291).».

Ainsi, dans la péninsule arabique, les villes ont été positionnées dans le cadre d’un effort visant à diversifier l’économie au-delà des ressources en hydrocarbures. Quant aux dirigeants, ceux-ci ont pris conscience que le recrutement d’investisseurs, de résidents, et de touristes était nécessaire pour cette diversification :

« en Arabie saoudite, par exemple, le choix de la Formule E était stratégique dans la mesure où il pouvait mettre en valeur les opportunités économiques que le gouvernement tentait de développer autour du développement durableNatalie Koch, ibid., p. 292.».

Cependant, comme le souligne encore Natalie Koch, il s’agit d’une politique de stimulation qui ne consiste pas en une réponse à la demande, mais spécule sur le cliché selon lequel « si vous le construisez, ils viendrontNatalie Koch, ibid., p. 288.».

Certes, l’Arabie saoudite utilise le sport comme soft power, mais aussi comme un moyen de se positionner sur la scène mondiale dans le but d’attirer sur son territoire des méga-événements sportifs qui doivent permettre la diversification de l’économie. Cela ne modifiera pas la structure du pouvoir, très verticale, ni la répression des voix dissidentes. Cependant,

« la période où le sport, comme le tourisme, était considéré comme une atteinte à l’identité islamique du pays et ne se pratiquait que derrière les murs des grandes propriétés de l’élite, semble bien révolue. Ce qui paraît normal aux Occidentaux est une révolution culturelle dans ce pays resté si longtemps fermé à triple tour à ce genre d’influence. Longtemps méprisé en Arabie saoudite, le sport est désormais paré de toutes les vertusIsabelle Lasserre, op. cit., p. 127.».

Déplacement géopolitique des méga-événements sportifs

Le constat planétaire global qui peut être fait après l’analyse de ces deux exemples, c’est qu’on assiste, depuis le début des années 2000, à un glissement géographique manifeste des lieux d’organisation des méga-événements sportifs. Il y a à cela au moins deux raisons : la recherche de nouveaux marchés par les grandes fédérations sportives monopolistiques supranationales (CIO, FIFA…), et également des raisons économiques internes aux pays doublées d’une stratégie diplomatique internationale (Qatar, Arabie Saoudite…). On l’a dit, il est prestigieux d’acquérir l’organisation de tels événements, mais certains pays ou villes (la plupart en Occident) commencent à estimer que le rapport coût / prestige devient de plus en plus discutable. Aussi l’existence même (institutionnelle comme financière) de ces grandes fédérations étant en jeu car liée à l’organisation de ces événements, il est impératif qu’ils aient lieu : ainsi, en 2017, le CIO a pris la précaution d’attribuer les JO d’été aux deux seuls candidats en lice pour 2024, soit Paris et Los Angeles pour 2028, donnant du temps pour motiver les villes et États pour 2032 (Brisbane, désignée en 2021)Comme indiqué supra, le CIO a changé de méthodologie concernant l’attribution des Jeux, réduisant ainsi la durée de la campagne et surtout les coûts de financement de celle-ci : il invite donc les candidats à un grand oral, puis après un délai de réflexion, la Commission engage un « dialogue ciblé » avec la candidature privilégiée. Ce fut le cas de la candidature « Alpes françaises » pour les JO d’hiver 2030. J’ai ainsi reçu, il y a peu, un courrier de M. Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, dans ma boîte aux lettres distribué par porteur, intitulé « La Région informe les habitants de l’Isère » datée du 26 février 2024, dans lequel il exprime « une immense fierté », précisant dans un court paragraphe : « A travers cette candidature, notre ambition est d’écrire une nouvelle page des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver, en tournant celle des éditions de Sotchi et Pékin. Cela signifie des Jeux sobres sans gaspillage d’argent public, et vous savez à quel point j’y suis attaché, des Jeux respectueux de l’environnement mais aussi des Jeux qui portent la fierté du sport et de notre pays ». M. Wauquiez, en matière d’argent public, subit une enquête du Parquet financier à propos d’un fastueux « dîner des sommets » organisé en juin 2022 réunissant 90 personnalités, de même qu’il s’est déplacé en toute confidentialité au Japon du 8 au 15 mars 2024 (Olivier Faye, Richard Schittly, « Le voyage très «confidentiel» de Laurent Wauquiez au Japon, Le Monde, 20 avril 2024, en ligne). Quant à l’environnement, on sait qu’il est un farouche opposant au dispositif « Zéro Artificialisation Nette »… Cf. aussi : Jessica Gourdon, « JO 2030 dans les Alpes : le risque d’un cadeau empoisonné », Le Monde, 6 janvier 2024, p. 23..

A travers plusieurs exemples, on peut constater un déplacement continental des lieux d’organisation. Pour les Jeux olympiques et paralympiques d’été comme d’hiver, mais pour le Mondial de football également.

Tableau 6. JO et Mondial de football hors Europe, Amérique du Nord et Australie (et Amérique du Sud pour le football).

Cette tendance est aussi visible à travers d’autres grandes manifestations sportives comme, par exemple, les Championnats du monde d’athlétisme : depuis le début des années 2000 (période 2001-2027), quatorze éditions ont été organisées et/ou programmées, dont deux aux États-Unis, six en Europe, et six en Asie (contre une seule en Asie et contre sept en Europe pour la période 1983-1999). Outre Tokyo (1991), on trouve donc : Osaka (2007), Daegu (2011), Pékin (2015), Doha (2019), Tokyo (2025) et Pékin 2027.

Un autre exemple probant concerne la course automobile et plus particulièrement la Formule 1. Créé en 1950, le Championnat du monde des conducteurs, jusqu’à la décennie 1980, n’a concerné presque uniquement que l’Europe et l’Amérique du Nord. Mais, depuis le début des années 2000, là aussi on constate une très nette évolution, puisque l’Europe qui avait toujours été majoritaire dans l’organisation des Grands Prix de F1 ne l’est plus depuis au moins 2010, du fait de la montée en puissance de l’Asie. En 2024, un tiers des éditions s’y déroule : Bahreïn, Arabie Saoudite, Japon, Chine, Azerbaïdjan, Singapour, Qatar, Abou Dabi.

Tableau 7. Grands Prix du championnat du monde de F1 (1950-2024).

Dans un autre domaine, on peut faire le même constat avec les Expositions universelles : si, au cours des XIXe et XXe siècles (1851-1992), trente-et-une Expositions eurent lieu, il n’y en eut qu’une en Asie (Osaka, 1970). Par contre, depuis l’année 2000, sur sept Expositions organisées et/ou programmées, cinq se déroulent en Asie (Aichi, 2005 ; Shanghai, 2010 ; Dubaï, 2020 ; Osaka 2025 ; Riyad, 2030), contre deux en Europe (Hanovre, 2000 ; Milan, 2015).

Conclusion

Le sport moderne, défini par des caractéristiques précises par les historiens et les sociologuesJ.-M. Brohm lui en attribue quatre : principe de rendement, système de hiérarchisation, principe de l’organisation bureaucratique, principe de publicité et de transparence (Jean-Marie Brohm, Sociologie politique du sport. Paris, Jean-Pierre Delarge / Éditions Universitaires, 1976, p. 45-58). Pour lui, « le sport est (…) le système culturel qui enregistre le progrès corporel humain objectif, c’est le positivisme institutionnalisé du corps (…). Le sport est l’institution que l’humanité a découverte pour enregistrer sa progression physique continue » (p. 45). Pour A. Guttmann, le sport moderne a sept caractéristiques : sécularisme, égalité, spécialisation, rationalisation, bureaucratie, quantification, records (Allen Guttmann, From Ritual to Record. The Nature of Modern Sports. New York, Columbia Université Press, 1978, p. 15-54). Pour Georges Vigarello, c’est la performance qui caractérise le sport moderne : « L’effervescence autour de la performance fait l’essence du sport moderne », Le Monde, 16 mars 2024, p. 26-27., est primitivement un objet culturel occidental, inventé dans l’Angleterre industrieuse des XVIIIème et XIXème siècles (principes de production, de rendement…), et diffusé mondialement par le biais du colonialismePierre Singaravélou & Julien Sorez (dir.), L’empire des sports. Une histoire de la mondialisation culturelle. Paris, Belin, 2010.. Ce qui ne signifie pas que, en d’autres temps et d’autres lieux, des formes de jeux et d’activités physiques (jeux grecs, jeux du cirque à Rome…) se rapprochant du sport moderne n’aient pas existé ou n’existent pas encore aujourd’hui (sumô, lutte traditionnelle africaine…)Par exemple : Kirishima Kazihuro, Mémoires d’un lutteur de sumô. Arles, Éditions Phlippe Picquier, 1998 ; Aboubacar Djirmey, Gardik Tago, Mahaman Seriba, Chipkao Labo, Abdou Kongui & Pierre Chifflet, « Lutte et identité culturelle au Niger », Politique africaine, n° 45, mars 1992, p. 142-148.. Aussi, jusqu’à une époque récente, la prééminence économique, politique et diplomatique des pays occidentaux, et la création sur leurs bases des grandes fédérations sportives internationales comme le CIO ou la FIFA (qui ont toutes deux leur siège en Suisse : Lausanne et Zürich), ont conduit d’une certaine manière à l’organisation des méga-événements sportifs planétaires en Occident (Europe, Amérique, Australie…).

Toutefois, dès le lendemain des Indépendances, que ce soit en Asie ou en Afrique, des manifestations sportives d’envergure ont été organisées : premiers Jeux d’Asie à New Dehli en 1951 (indépendance de l’Inde en 1947), première Coupe d’Afrique des Nations de football au Soudan en 1957, premiers Jeux panafricains à Brazzaville après les décolonisations britannique et française.

Les décolonisations et les indépendances ont constitué le sport comme un objet symbolique de prestige, et l’organisation de grands événements sur le sol des pays d’Asie et d’Afrique nouvellement indépendants fut comme une preuve de l’entrée dans le concert des nations d’une part, de leurs capacités à maîtriser l’organisation de ce type d’événements d’autre part.

Depuis la fin du XXème siècle et le début du XXIème, avec la globalisation (ou mondialisation), on assiste à l’arrivée sur le marché de l’organisation des méga-événements sportifs de nouveaux acteurs, en particulier au Moyen-Orient et en Asie Centrale et de l’Est. Ils sont consécutifs à l’enrichissement économique de certains de ces pays (Chine par exemple), à des évolutions politiques internes (Arabie Saoudite), et, dans tous les cas, ces méga-événements constituent pleinement des instruments de soft power ou de diplomatie d’influence (Qatar).

En va-t-il différemment pour la France et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ? Certes, le pays n’en est pas encore à devoir faire du sport washing par l’organisation de méga-événements. Toutefois, comme pour les autres acteurs, il s’agit aussi d’une logique d’attractivitéComme l’amendement au projet de loi de finances pour 2024 afin d’attirer les fédérations sportives internationales : Rémi Dupré, « Un cadeau fiscal à la FIFA et aux fédérations internationales », Le Monde, 21 octobre 2023, p. 13 ; Éditorial, « Cadeau fiscal à la FIFA : le mauvais calcul français », Le Monde, 25 octobre 2023, p. 29.et de prestige (et, ici en particulier, de réassurance psychologique pour le CNOSF, le monde sportif et aussi le personnel politique, après l’échec des trois candidatures précédentes). Il est évident, au fil des événements qui se sont succédés depuis dix ans (attentats, gilets jaunes, pandémie, réforme des retraites, et même aujourd’hui dissolution), que les JO peuvent assurer une fonction de catharsis nationale. Cependant, à la différence des pays de la péninsule arabique, qui cherchent par ce biais à diversifier leur économie et attirer des investisseurs, il s’agit plutôt ici de créer des emplois (même à caractère temporaire) et soutenir l’activité économique dans un pays ayant subi une « désindustrialisation prononcée », comme le laisse entendre la mise à l’agenda politique (cf. supra tableau n° 2).

À l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, et après la mise au ban de la Russie de la quasi-totalité des compétitions sportives internationales (pas de participation des fédérations sportives russes en tant que telles) à la suite de l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine, qui avait œuvré pendant vingt ans à faire du sport russe un vecteur diplomatique et positif en termes d’imageLukas Aubin, La sportoklatura sous Vladimir Poutine. Une géopolitique du sport russe. Paris, Éditions Bréal, 2021.(et ce malgré des problèmes systémiques de dopageGrigory Rodchenkov, Dopage organisé. Neuilly-sur-Seine, Éditions Michel Lafon, 2021.), s’est lancé dans une grande offensive contre le système sportif internationalÉric Collier et Gabriel Richalot (propos recueillis par) : « L’agressivité du gouvernement russe contre le CIO, les Jeux et moi grandit », Le Monde, 19 mars 2024, p. 21 ; Nicolas Lepeltier, « Entre Moscou et le CIO, une nouvelle guerre froide », Le Monde, 22 mars 2024, p. 3.et l’« Occident collectif »Terme utilisé dans les nouveaux manuels d’histoire (rentrée 2023) à l’intention des élèves de première et terminale, cf. Nicolas Werth, « Poutine professeur d’histoire », L’Histoire, n° 517, mars 2024, p. 12-19.. Ainsi a-t-il fait organiser, dans un premier temps, les Jeux du futur (Kazan, 21 février-3 mars 2024), rassemblant 1400 athlètes dans le cadre de « phygital games » (activités mélangeant le physique et le numérique). Puis, juste avant Paris 2024, comme une provocation envers le CIO, les Jeux des BRICS (Kazan, 12-24 juin 2024), rassemblant 5000 athlètes de 97 pays. Enfin, last but not least, sont prévus les Jeux de l’amitié (septembre 2024, à Moscou et Ekaterinbourg), rassemblant 6000 athlètes de 70 pays, puis en 2026 les Jeux de l’amitié d’hiver à Sotchi, où furent organisés les JO d’hiver de 2014, et lieu de villégiature apprécié de Vladimir Poutine. Surtout, pour les Jeux de l’amitié de 2024, sont promis entre 70 et 100 M€ de primes aux athlètes classés dans les trois premiers (40 000 € au 1er, 20 000 € au 2nd, et 17 000 € au 3e), le CIO étant fustigé pour ne rien attribuer aux athlètesRobert Frosi, « Guerre ouverte entre le CIO et la Russie », Radio Canada, 19 mars 2024 [en ligne] ; Robert Frosi, « La Russie tient ses Jeux des BRICS tout juste avant les Olympiques », Radio Canada, sans date [en ligne]..

Ces exemples, parmi d’autresMichel Raspaud, « Mondial de football 2022 : quelles retombées diplomatiques pour le Maroc ? ». The Conversation, 23 janvier 2023 [en ligne]., illustrent à souhait le fait que le sport et l’organisation de grands événements sportifs font pleinement partie des outils du soft power et de la diplomatie d’influence au service de la stratégie des États, de quelque bord qu’ils soient. Avec toutefois des différences entre les États y recourant, car ils ne sont pas dans les mêmes problématiques : sport washing pour l’Arabie SaouditeSimon Chadwick, « Après le Qatar, l’Arabie Saoudite joue la carte du «soft power» par le Sport », The Conversation, 16 mars 2023 [en ligne]., exister sur la carte du monde pour le Qatar, rayonner sur la scène internationale et accroître le pouvoir de Vladimir Poutine pour la RussieLukas Aubin, op. cit., maintenir le prestige national pour la France et renforcer l’économie nationale du sport à l’international par la diplomatie sportive développée depuis dix ans. Dans tous les cas, le sport et l’organisation des méga-événements sportifs, sont devenus des instruments à ne pas négliger dans la volonté de construire une image ou de marquer sa présence sur la carte du monde.

Contributeur·ices

Giuseppe Al Majali et Juliette Simont