Les matériaux ont souvent été considérés comme des marqueurs du temps. Les archéologues ont traditionnellement utilisé les matériaux pour diviser la préhistoire en ères distinctes, telles que l’âge de pierre et l’âge du bronze. Et certains historiens parlent de l’âge du fer, l’âge du plastique, l’âge du silicone… Si les matériaux définissent notre représentation collective du temps, pourraient-ils aussi affecter notre expérience individuelle du temps ? En se basant sur l’étude du lithium, cet article soutient que les matériaux façonneraient notre expérience individuelle du temps en réponse aux pressions sociétales et économiques.
Le lithium, élément du tableau périodique, renvoie à deux matériaux différents dont les usages ont néanmoins un impact commun sur notre perception du temps. En tant que médicament psychotrope utilisé contre les troubles bipolaires, le lithium aide à créer une humeur psychologique uniforme, évitant les hauts et les bas typiques de ces troubles, si bien que le temps apparaît aux sujets souffrants comme un flux régulier et fluide sans turbulences. En tant que composant des batteries pour le stockage de l’énergie, il permet aux industriels de garantir une électricité constante à partir de sources intermittentes telles que les éoliennes et les panneaux photovoltaïques. Il offre ainsi aux usagers le confort de l’électricité, indépendamment des rythmes circadiens et des cycles saisonniers.
Notre argumentation porte sur quatre questions interconnectées. Par quel processus un minéral abondant est-il devenu un élément chimique caractérisé par …