temps et temporalités
La pleurabilité du vivant (3/3)
Dans cette troisième et dernière livraison de son essai sur les nouvelles expériences du temps qui émergent avec la catastrophe bioclimatique et les guerres contemporaines, Judith Butler revient sur les transformations de la conception du deuil que celles-ci exigent de nous. Un deuil capable de pleurer non pas seulement les pertes intimes qui ont eu du sens dans le cours de nos vies, mais des êtres lointains, dans l’espace comme dans le temps, humains ou autres-qu’humains, passés ou futurs, deuil sans lequel notre sentiment d’être au présent se perdrait lui-même et qui pourtant exige une extrême désorientation temporelle. Avec cette relecture de Freud, Barthes, Derrida, Chakrabarty, et de la poétesse-philosophe Denise Riley, se conclut cette profonde méditation sur la nature de notre temps, que Judith Butler a bien voulu confier aux Temps qui restent.
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La pleurabilité du vivant (2/3)
Ce texte est le second volet de l’essai inédit que Judith Butler a confié aux Temps qui restent sur les expériences du temps qui émergent de la catastrophe climatique et des guerres en cours. Dans le premier volet, Butler soutenait que « la temporalité de la scène du deuil a changé ». Ici, Butler propose une relecture des textes de Merleau-Ponty des années 1950 sur la temporalité. On y voit le cofondateur des Temps Modernes se débattre avec une vision anthropocentrée du temps, dont il comprend qu’elle ne suffit pas à rendre compte d’elle-même. Butler s’efforce de nous convaincre que ce n’est qu’en prenant au sérieux l’intrication des temporalités humaines et autres-qu’humaines qui nous débordent de tous les côtés que nous pourrons mieux saisir en quoi consiste, précisément, notre temps. Le temps des autres est ainsi irrémédiablement impliqué dans le nôtre…
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La pleurabilité du vivant (1/3)
Quelle est la valeur d’une vie, de chaque vie ? Cette question hante les travaux de Judith Butler, depuis ses premiers écrits sur le genre. À ses yeux, la possibilité d’un deuil public est le signe de la valeur inégale accordée aux vies humaines. Cependant, avec la catastrophe climatique, sa pensée prend un nouveau tour dont témoignent ces conférences inédites : comment la catastrophe climatique transforme-t-elle notre expérience du deuil et de la mélancolie ? Comment porter le deuil de formes de vie détruites, d’espèces disparues et d’écosystèmes entiers, tout en anticipant de nouvelles pertes à venir ? Ici, Judith Butler amorce un dialogue avec la psychanalyse freudienne et les écologies queer, afin d’élargir la question du deuil et de la pleurabilité au-delà des limites de l’humain. Ou comment une grande pensée se laisse affecter par les urgences du présent…
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Le temps des haies
Les haies passent pour le nec plus ultra de la sensibilité écologiste dans les campagnes, suscitant agacement ou engouement selon le côté où on se place. Pourtant, elles furent aussi au point de départ de la modernité: les fameuses « enclosures », dont Marx faisait le point de départ du capitalisme, ce sont des haies! Alors, les haies, futur bucolique ou passé moderniste? Emmanuelle Loyer continue ici son enquête sur ces objets où s’embrouille la ligne du temps à mesure qu’on prétend sortir de la Modernité. Car on ne saurait le faire dans son temps: il va falloir accepter les ronciers de l’histoire.
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Entre deux transitions,
l’insoutenable légèreté du numérique
l’insoutenable légèreté du numérique
Dans l’imaginaire écomoderniste, transition numérique et transition écologique seraient “jumelles”. Dans la réalité, l’infrastructure numérique n’est qu’une couche supplémentaire de la technostructure qui enfonce un peu plus les « Modernes » dans la Terre, loin de l’utopie de la “légèreté” du numérique qui a accompagné son expansion. Luca Paltrinieri, dans cette introduction au dossier “Le numérique revient sur Terre”, qu’il a dirigé, dresse un état des lieux précieux des travaux défendant cette “rematérialisation du numérique”. Il insiste par ailleurs sur la nécessité de faire converger les théories de l’aliénation digitale et celles de la reterrestrialisation de nos existences – autrement dit, temps de cerveau disponible et temps qui restent!
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Paul Virilio : l’état de guerre permanent
Alors que Le Seuil réunit 22 ouvrages de Paul Virilio dans un « livre-bunker », Philippe Petit nous invite à redécouvrir la pensée de cet auteur inclassable, autodidacte, urbaniste, essayiste, qui eut son heure de gloire dans les années 1990-2000, mais semble aujourd’hui un peu oublié, et surtout mal compris. Virilio anticipe un monde de « guerre pure », généralisée, où l’information s’ajoute au ciel, à la mer et au sol comme terrain d’affrontement, un monde dont le temps infini est rattrapé par l’espace de la Terre finie, où « l’écologie grise » des infrastructures importent plus que la faune et la flore… un monde qui ressemble beaucoup au nôtre!
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Les oreilles sur Terre, à l’écoute de la polychronie
La philosophe Bernadette Bensaude-Vincent soutient ici que le régime temporel esquissé dans ce premier numéro des Temps qui restent se distingue effectivement de celui esquissé par Sartre en 1945. Non cependant parce qu’il impliquerait un futur incertain, problématique. Mais parce que la crise écologique actuelle nous conduit à interpréter littéralement l’expression « les temps qui restent », c’est-à-dire (1) à prendre en compte une pluralité de temporalités au lieu de spéculer sur le sens et le tempo de la flèche du temps et (2) à considérer les restes, résidus omniprésents, de trajectoires temporelles hétérogènes et enchevêtrées, qui composent des paysages-temps plus ou moins harmonieux.
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Temps du monde/Temps de l’anthropocène: le simultané du non-simultané
Le créateur des notions de « régimes d’historicité » et de « présentisme », aujourd’hui incontournables, l’historien François Hartog, prolonge ici ses réflexions sur le temps. Il note que tout temps historique organise toujours une conjonction du simultané et du non-simultané : ainsi les spectres sont-ils passés et présents, le Dieu incarné dans le Christ éternel et temporel, les Indiens que rencontrent les espagnols contemporains et archaïques, le progrès présent et futur, etc. Il esquisse alors une grande frise qui va de l’Antiquité à aujourd’hui, pour présenter « l’Anthropocène » une nouvelle figure de ce simultané du non-simultané. Apprendre à vivre dans ce temps, c’est déjà se doter des outils pour le penser.
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« Un espace qui dure » : le tournant spatial de l’Anthropocène
On dit et on répète qu’on entre dans un nouveau temps. Et s’il s’agissait aussi d’un nouvel espace ? Dans ce texte, la philosophe Jeanne Etelain revient sur les débats concernant le concept exact du présent (Anthropocène, Capitalocène, etc.), pour montrer qu’ils présupposent non seulement un “régime d’historicité” nouveau, mais aussi un “régime de spatialité” nouveau : il ne s’agit ni de l’espace absolu du globe, ni de l’espace relatif de la globalization, mais d’un espace-durée, un espace qui dure, un espace qui agit, un espace qui vit - et se confond avec la Terre
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Les spaghettis, ou les temps comme imbroglio
Peut-on penser le temps comme un plat de spaghettis ? Vanessa Morisset rend hommage à cette étrange métaphore formulée par Bruno Latour à propos du futurisme italien, en explorant les paradoxes temporels de ce plat hautement réconfortant.
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