L’ouvrage, bref et dense, de Justine Huppe est l’une des rares (encore) études littéraires parues aux éditions Amsterdam, connues pour leur ligne éditoriale politique engagée. Est-ce à dire que littérature et engagement ne vont pas de pair ? Non, semblait dire l’époque, celle de « l’enclos libéral(note: Le syntagme appartient à Florent Coste, L’Ordinaire de la littérature. Que peut (encore) la théorie littéraire ?, Paris, La Fabrique, p. 29-38.) » des années 1980-1990. Eh bien, elle ne l’est plus. La littérature peut elle aussi sortir dans la rue, en tant que littérature, moyennant une série de réaménagements. Quelques ouvrages récents, parus notamment aux éditions La Fabrique, Amsterdam, Questions théoriques déploient un discours (méta-)littéraire à visée politique, qui rappelle souvent la formule barthésienne d’une « responsabilité de la forme » qui paraît refaire surface. Au-delà de l’engagement explicite pour une cause, il s’agit pour l’écrivain.e de la responsabilité devant ses choix formels. La littérature embarquée est un maillon essentiel dans une suite d’ouvrages qui commence avec celui d’Yves Citton, Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ? (2007) préfacé par François Cusset(note: Yves Citton, Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ?, Paris, Amsterdam, 2007.). Les derniers titres en date sont un ouvrage de théorie littéraire de Florent Coste(note: Florent Coste, op. cit.) et une petite anthologie d’essais, Contre la littérature politique(note: Pie…
Politiques de la littérature : la littérature embarquée
Parmi les publications récentes consacrées à la dimension politique de la littérature, l’essai de Justine Huppe se distingue à la fois par son parti pris pragmatiste, et par son corpus (des œuvres expérimentales, principalement publiées dans les années 2000 en France). Plutôt qu’aux grandes déclarations révolutionnaires, La littérature embarquée s’intéresse à « la pratique littéraire comme intervention rabat-joie, grippant et dévoilant le fonctionnement des circuits de la littérature-marchandise », comme l’écrit Alexandru Matrei dans sa critique. Tout en ressaisissant les enjeux de cet essai original, il le replace dans l’horizon d’une réception internationale des ouvrages de théorie littéraire française.