Défenses de la psychanalyse
La psychanalyse se croit toujours attaquée. Et elle l’est, certes, depuis l’origine : dégénérée, bourgeoise, trop subversive, pas assez, faussement scientifique, trop médicale, etc. Mais cette mise en question tous azimuts est le revers de son influence tout au long du siècle dernier. La psychanalyse s’est confondue avec une certaine modernité. Qu’en est-il, qu’en sera-t-il, dans ces temps qui s’ouvrent maintenant que les illusions modernistes ont perdu leur prise sur les imaginaires ? Telle est la question qui anime cette chronique de psychanalyse au sein des Temps qui restent.
« Défenses de la psychanalyse » cela veut dire, d’abord, qu’ici paraîtront des contenus (textes, vidéos, audio) qui défendent cette pratique contre les attaques dont elle fait l’objet, essaient d’en mettre en valeur les apports et la pertinence pour notre temps et s’efforcent de la transmettre.
Mais « défense » est aussi un terme psychanalytique qui désigne les mécanismes par lesquels l’appareil psychique protège le moi, autrement dit une certaine image que le retour du traumatisme refoulé ne cesse de menacer. Or la psychanalyse aussi se défend dans ce sens-là, en protégeant une image idéale d’elle-même face aux rencontres qui la désarçonnent dans le contemporain. Les interpellations féministes, anti-racistes, queer, trans, anti-autoritaires, égalitaires, etc., suscitent aujourd’hui, au sein des milieux psychanalytiques, des attitudes réactives, pour ne pas dire réactionnaires.
Or nous avons la conviction que la psychanalyse n’est jamais aussi efficace que quand elle s’expose. La psychanalyse, telle que nous l’entendons, n’est pas un corps figé, mais un exercice pour se mettre à l’écoute de ce qui, précisément, ne saurait jamais devenir un savoir garanti : l’inconscient. La défendre ne veut donc pas dire encourager ses défenses. Nous publierons donc ici des propositions qui essaient de lever les « défenses de la psychanalyse » elle-même.
« Défenses de la psychanalyse », donc, oui, mais aussi pour qu’elle se débarrasse des siennes propres, de défenses.
La chronique « Défenses de la psychanalyse » est coordonnée par un collectif composé de Fabrice Bourlez, Silvia Lippi, Patrice Maniglier, Sophie Mendelsohn, Lucile Mons, Dimitra Panopoulos, Catherine Perret.
Quand les psychanalystes se trompent
Pour beaucoup de personnes, non seulement les psychanalystes se trompent, mais ils et elles ne font que ça, sans pouvoir le reconnaître, car la psychanalyse serait, comme le prétendait le philosophe Karl Popper, immunisée contre toutes les réfutations. La psychanalyste Silvia Lippi soutient ici à l’inverse que les erreurs, comme les lapsus, importent particulièrement à la psychanalyse, mais à condition de faire l’objet d’une interprétation qui rouvre les associations. Elle montre que Freud ne raconte quasiment que ses propres erreurs. Et surtout, elle soutient que l’Oedipe est une telle erreur, qui mérite une interprétation: que refoule la théorie du complexe d’Oedipe? Un texte drôle et profond, qui défend, à travers la psychanalyse, une certaine manière d’apprendre de ses erreurs - et donc de s’inscrire dans le temps sans croire au « progrès ».
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