Les connaissances accumulées sur la transformation de la planète Terre par le changement climatique, l’extraction des ressources et la dégradation de l’environnement suggèrent que l’humanité et la planète qu’elle habite étaient entrées irréversiblement dans une nouvelle ère. Le terme d’Anthropocène, inventé par les géologues, est censé donner un nom à cette nouvelle ère. Le fait qu’il soit rapidement entré dans le débat public manifeste peut-être non seulement la nouvelle condition planétaire, mais aussi le désir – ou même le besoin – de se situer à nouveau dans le temps historique.
Mais le débat qui a suivi a aussi montré combien il est difficile de cerner les contours du temps nouveau, voire de déterminer si nous vivons dans un temps nouveau. La question du changement d'époque est constitutive des Temps qui restent, et, dans son premier numéro, de nombreuses contributions au dossier « Hériter des temps modernes » l'ont abordée sous des angles variés. Faisant suite à ce premier dossier, cet article explore dans quel sens les temps qui restent forment une nouvelle époque et si l'humanité est entrée dans cette époque irréversiblement. Il le fera en examinant trois ouvrages récents, en langue allemande, de philosophie sociale et de sociologie, qui, malgré leur diversité, partagent d'une certaine manière le souci de comprendre notre époque actuelle, même si seulement deux d'entre eux se concentrent sur l'urgence écologique.