Fantômes
La pleurabilité du vivant (3/3)
Dans cette troisième et dernière livraison de son essai sur les nouvelles expériences du temps qui émergent avec la catastrophe bioclimatique et les guerres contemporaines, Judith Butler revient sur les transformations de la conception du deuil que celles-ci exigent de nous. Un deuil capable de pleurer non pas seulement les pertes intimes qui ont eu du sens dans le cours de nos vies, mais des êtres lointains, dans l’espace comme dans le temps, humains ou autres-qu’humains, passés ou futurs, deuil sans lequel notre sentiment d’être au présent se perdrait lui-même et qui pourtant exige une extrême désorientation temporelle. Avec cette relecture de Freud, Barthes, Derrida, Chakrabarty, et de la poétesse-philosophe Denise Riley, se conclut cette profonde méditation sur la nature de notre temps, que Judith Butler a bien voulu confier aux Temps qui restent.
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Les non-conçus comme personnes morales :
spectre d’un nouveau Léviathan
spectre d’un nouveau Léviathan
À partir d’une lecture du livre de Lisa Siraganian, Modernism and the Meaning of Corporate Persons (Oxford Université Press, 2020), qui rapprochait la notion de personnalité juridique de celle d’impersonnalité du sujet dans le modernisme littéraire, Emily Apter montre comment l’arrêt du 24 juin 2022 qui statua que la Constitution américaine ne conférait pas de droit à l’avortement, s’intègre dans le processus ultraconservateur d’extension de la notion de personne morale et de son institutionnalisation politique en corporation, processus qu’ont connu les États-Unis à partir des années 1890. Or, en établissant de la même manière les contours d’une « personnalité fœtale » et d’une personne morale, la justice américaine n’a jamais été aussi près de faire des non-conçus des sujets de droit.
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La mêlée des invisibles: un théâtre de la rencontre.
Sur Le Réveil de Pippo Delbono
Sur Le Réveil de Pippo Delbono
Nous allons dans la vie accompagnés d’un troupeau de fantômes, plus ou moins présents selon les jours, les couleurs du temps, la météo psychique. Il arrive au théâtre qu’entre mélancolie et consolation, un fantôme sur scène, étrange rituel réparateur, produise une rencontre entre les vivants et les morts. C’est cette expérience que raconte Déborah Bucchi, évoquant un théâtre qui ne serait plus ni de catharsis, ni de cruauté, ni de distanciation, mais de rencontre - un théâtre des temps qui restent?
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Le tournant hantologique de l’anthropologie
A l’occasion de la publication simultanée de La voix des fantômes de Grégory Delaplace et de Spectres de Marx de Derrida, Frédéric Keck remarque que le « tournant ontologique » de l’anthropologie contemporaine s’est prolongé en un « tournant hantologique » qui peuple de revenants les sciences humaines de notre monde post-soviétique. Car comment vivre avec des êtres qui hantent les places qui ne sont plus les leurs ?
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