minorités
Intersectionnalité et différences anthropologiques
On ne devient sujet (soi-même) que parce qu’on est déjà sujet (assujetti). Etienne Balibar explore depuis des années ce paradoxe, qui noue l’expérience et le pouvoir, le vécu et les structures. Il y revient ici dans ce texte magistral, qui déploie une des versions les plus abouties de son anthropologie politique, en analysant les liens d’analogie et de complémentarité entre le concept qu’il a introduit dans les années 1990, celui de « différences anthropologiques », et le thème désormais familier de l‘« intersectionnalité ». Dans les deux cas, aussi bien le pouvoir que la résistance s’appuient sur une multiplicité de déterminations qui font émerger un sujet qui existe d’autant plus qu’il ne peut se rassembler dans une unité cohérente. Une belle leçon de philosophie, animée par une question simple et inépuisable: comment convertir la passivité en activité, qu’est-ce qu’une libération?
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Les non-conçus comme personnes morales :
spectre d’un nouveau Léviathan
spectre d’un nouveau Léviathan
À partir d’une lecture du livre de Lisa Siraganian, Modernism and the Meaning of Corporate Persons (Oxford Université Press, 2020), qui rapprochait la notion de personnalité juridique de celle d’impersonnalité du sujet dans le modernisme littéraire, Emily Apter montre comment l’arrêt du 24 juin 2022 qui statua que la Constitution américaine ne conférait pas de droit à l’avortement, s’intègre dans le processus ultraconservateur d’extension de la notion de personne morale et de son institutionnalisation politique en corporation, processus qu’ont connu les États-Unis à partir des années 1890. Or, en établissant de la même manière les contours d’une « personnalité fœtale » et d’une personne morale, la justice américaine n’a jamais été aussi près de faire des non-conçus des sujets de droit.
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Être juif au Brésil : un récit personnel
Julien Pallotta traduit ici pour les TQR un texte subjectif et acide du philosophe juif brésilien Peter Pál Pelbart. Rédigé avant le 7 octobre 2023, il décrit la droitisation d’une part significative de la communauté juive à São Paulo, la façon dont elle oublie sa dimension minoritaire et la solidarité qui la liait naguère aux autres minorités, sa complaisance vis-à-vis du bolsonarisme et le malaise des Juifs de gauche face à cette dynamique que les événements de l’année écoulée n’ont fait qu’accentuer.
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