philosophie
Intersectionnalité et différences anthropologiques
On ne devient sujet (soi-même) que parce qu’on est déjà sujet (assujetti). Etienne Balibar explore depuis des années ce paradoxe, qui noue l’expérience et le pouvoir, le vécu et les structures. Il y revient ici dans ce texte magistral, qui déploie une des versions les plus abouties de son anthropologie politique, en analysant les liens d’analogie et de complémentarité entre le concept qu’il a introduit dans les années 1990, celui de « différences anthropologiques », et le thème désormais familier de l‘« intersectionnalité ». Dans les deux cas, aussi bien le pouvoir que la résistance s’appuient sur une multiplicité de déterminations qui font émerger un sujet qui existe d’autant plus qu’il ne peut se rassembler dans une unité cohérente. Une belle leçon de philosophie, animée par une question simple et inépuisable: comment convertir la passivité en activité, qu’est-ce qu’une libération?
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La confession, première station sur une voie mystique
Ahmed Ghazali était un ingénieur géophysicen, muséologue, écrivain de théâtre et philosophe, marocain mais aussi canadien et espagnol, mort brutalement cet été par accident dans le désert du Sahara. Les Temps qui restent publient ici un texte inédit de cet auteur important, dont la postérité ne fait que commencer. On y retrouve toutes les dimensions de son œuvre, à la fois méditative et sensible, intime et universelle. En écho avec les grands existentialistes de la tradition occidentale dont il se détache, il défend l’idée que la forme de la confession résout la tension entre le philosophique et le littéraire, l’idée et le poème, l’oeuvre et la personne, mais à condition que le Moi ne se reprenne que pour se perdre dans un geste mystique définitif, qui se revendique d’Ibn Arabî. Un beau texte en héritage.
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Sans la révolution c’est impossible
Au gré de sa lecture de trois livres de poésie en traduction récemment publiés, Pierre Vinclair revient sur le rapport entre l’intérêt du poème et la coupure : celle qui sépare le texte de son contexte (et retranche le lecteur de la société), mais aussi l’événement de la coupe à la fin du vers. C’est l’occasion d’explorer un paradoxe structurant la pragmatique de l’art : les œuvres semblent avoir besoin d’être soustraites au flux de la vie sociale pour en relancer autrement et mieux les énergies. Le sens profond de la coupure, du retrait, de la séparation est de nous faire voir quelque chose comme l’absolu.
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