La planète et la guerre

Le grand historien post-colonial Dipesh Chakrabarty avait marqué les esprits en faisant remarquer qu’avec l’apparition de la notion d’anthropocène, le partage entre histoire et géologie était remis en question. Il prolonge cette réflexion, en montrant comment la guerre, cet objet fondateur de l’histoire depuis Thucydide, ne saurait plus désormais se penser sans la planète. La guerre ne peut déplacer les frontières à la surface de la terre, sans transformer la terre tout entière, notamment du fait de son caractère massivement émetteur en gaz à effet de serre. Cette nouvelle donne appelle à une nouvelle réflexion morale, politique et stratégique sur la guerre. Un texte d’une extrême actualité.

Ce qui suit est un ensemble de développements faisant suite à la leçon inaugurale que j’ai donnée lors de la Conférence générale de l’UNESCO le 9 novembre 2023 sur la question de ce que les êtres humains ont en partage dans un monde toujours plus divisé. La création de l’UNESCO à l’issue de la Seconde guerre mondiale fut, comme on le sait, motivée par la reconnaissance collective – on le lit encore sur le site de l’organisation – que les seuls accords politiques et économiques entre les nations ne suffisent pas à instaurer une paix durable entre les humains. Il est nécessaire d’effectuer un travail culturel et éducatif afin de renforcer « la solidarité intellectuelle et morale de l’humanité par la compréhension mutuelle et le dialogue entre les cultures ». Ma réflexion se fonde également sur le programme « l’Homme et la biosphère » (MAB) lancé par l’UNESCO en 1971, il y a plus de cinquante ans. Mais, avant tout, je voulais rendre hommage à l’esprit fondateur de l’UNESCO, à sa mission de viser des « vérités objectives » qui pourraient rassembler l’humanité au-delà de ses différends religieux et politiques.

Que partageons-nous encore dans un monde qui paraît parfois si divisé ?

L’ironie de cette question réside dans le fait que les groupes humains s’affrontent bien souvent à propos de ce qu’ils partagent déjà : un passé, un territoire, l’eau, les animaux, les plantes, les ressources, etc. Les deux guerres dans l’ombre desquelles nous pensons les temps qui restent nous rappellent de tels conflits. Dans la discussion qui suit, je voudrais me concentrer sur quelqu…

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