Quand le Conseil des Temps qui restent a demandé à Agnès Gayraud d’offrir un concert pour conclure la soirée de lancement de la revue le 26 avril 2024, nous avions oublié qu’elle avait composé cette chanson pour son premier album Adieu l’enfance, en 2015. Il nous est immédiatement apparu qu’elle constituait en soi un excellent exemple de ce que la revue cherchait à promouvoir: un effort pour réfléchir à l’héritage du moderne à travers tous les formats possibles, pour mieux emporter les forces nombreuses et hétérogènes qui seront nécessaires pour faire atterrir la modernité.
À l’époque où elle lisait les travaux d’Adorno et découvrait l’autorité parfois violente et unilatérale du modernisme qu’elle entendait convoqué jusque dans les cercles d’amateurs de musiques populaires, Agnès Gayraud avait l’impression de voir ces grands discours sur le progrès (des formes, de la pensée, à défaut de l’humanité même) non plus sous le signe du futur mais sous le signe du passé. “Moderne, c’est déjà vieux” chante-t-elle alors“Moderne, c’est déjà vieux” est le titre du blog personnel d’Agnès Gayraud, où elle écrit sur des œuvres, essentiellement cinématographiques ou musicales, ou des personnes qui, d’une manière ou d’une autre, ont marqué sa vie.. Comme Walter Benjamin qui invitait à regarder dans l’allégorie les contenus de sens sous l’angle de leur “tête de mort”, “Moderne” voit soudain le modernisme comme une vieille photo. Comme une image du passé : cette dernière nous touche encore, et nous ne la haïssons point, mais nous sentons que le présent se trame d’autres approches qui polémiquent avec cette vision de l’histoire en ligne droite, aujourd’hui totalement désavouée. C’est avec le vieillissement du moderne, la périssabilité même de l’idéal du nouveau qu’il nous faut désormais à tout prix composer.
La revue des Temps qui restent vous invite à l’écouter et à découvrir le reste de l’album en cliquant ici.