I.
j affleure à la surface du jour
après maints retournements
la terre s’est ébranlée et
j est advenu
légèrement scintillant
à la surface du jour
j a grandi dans des caves souterraines
à l’ombre des cristaux qui grondent
se développent en bourgeons
j métamorphique
dans l’eau du fleuve rouge
chaque jour j change de majuscule
- j s’appelle j par convention –
j invente sa nouvelle méthode subductive
j côtoie les profondeurs et
se fait oublier
j renaît dans quelque fissure
océanique
les jours de fatigue
j se prend à rêver
d’une vie fossile
un pan de roche dissimulé
entre deux strates
où j pourrait demeurer j
comme métaphorisé
pour les siècles à venir
mais j est de ceux qui bouillonnent
j s’émousse au moindre vent
j prend la forme du temps qui l’accueille
et perd un peu de soi
sous forme de sable
ou d’arène
mais j s’enthousiasme à l’idée
que chaque atome
n’appartient ni à j ni à quiconque
il imagine des classifications à venir
des j + j + j = §
sur ses cahiers j dessine
des tableaux périodiques
par collisions successives
j construit des montagnes obliques
à sa surface se déposent
les alluvions
j devenu j
dans l’interstice entre deux continents
j se décompose
en unités reconnaissables
les minutes sont noires
et les instants sont longs
l’air est opaque
j respire par saccades
j s’érode et son âge s’efface
de ses traits il ne reste
que le souvenir
passager
d’une effusion
le lichen fleurit
dans le creux de son sein
j a brisé la dernière montre
et une carapace a grandi sur son dos
toujours j cherche une méthode
ductile
qui puisse le guider vers ce qui n’a pas de nom
j reptilien
j lézarde
et sur sa carapace
les écailles irisées des jours
II.
j sans répit cherche à s’épeler
à la surface des déserts minéraux
j cherche des traces des siens
j trouve des pointes de flèches
des coquilles de pierre
mais j ne trouve pas
la parole chuchotante
de l’espèce
que j vient d’inventer
j sait qu’il est très rare que les mots
trouvent refuge dans la roche
à peine quelques dessins de mains
demeurent à la surface
j persuadé pourtant
d’une langue inoxidable
endormie
parfois
quand j pleut
j se déminéralise
et de sa voix il ne reste que les os
frileux et grêles
offerts à tous les vents
dans sa quête j perd son visage
ne lui restent que ses cordes vocales
égosillées
j explore les lacs asséchés
les étendues salées au milieu des terres
parfois on voit l’ombre de j
quaternaire
glisser le long du flanc hérissé d’une montagne
j cherche jusque dans son propre corps
j au fin fond de l’angle des chevilles
j dans le creux des poignets
aucune cavité organique n’échappe à j
dans sa quête vers l’incertain
j laisse sur son passage de longues stries longilignes
à la manière des glaciers disparus
de longues moraines
de fragments abandonnés
de j
futurs inexplorés pour aventuriers
à venir
j sais que de j il ne restera rien
il reformule poétiquement
la loi de l’entropie
- qu’il nomme loi de j –
puis trace avec son doigt des lignes d’écriture
sur le sol poussiéreux
des lignes de traits suivis de points
j regrette qu’il ne lui reste
que la dissolution
j – j = ·
j voudrait être dévoré
mais quelle espèce rampante
aujourd’hui
dévorait-t-elle
encore j ?