Le livre de Sébastien Dutreuil est l’histoire d’une nouvelle conception de la Terre : Gaïa. Il permet d’avoir les idées claires sur ce moment historique en étudiant au plus près les archives et en interrogeant les différents acteurs qui ont participé à sa formulation, à sa réception et à son devenir.
Contrairement à ce que l’on pense, Gaïa a bien eu une réception scientifique, non pas auprès des biologistes de l’évolution dont cette affaire en fait ne les concernait pas directement, mais auprès des sciences de la Terre. Ainsi Sébastien Dutreuil propose une autre épistémologie pour Gaïa et s’attarde longuement sur l’origine des sciences du système Terre, en retraçant notamment son histoire institutionnelle jusqu’au IGBP (International Geosphere-Biosphere Programme). Cette institution invente des concepts massifs qu’elle porte haut et fort : anthropocène, limites planétaires, points de bascule. On apprend ainsi qu’il y a bien eu une bataille de concepts qui oppose «Gaia» et «Anthropocène», issue notamment de la rivalité entre Lovelock et Crutzen.
Pour mener cette enquête, il était essentiel d’approcher au plus près la figure de James Lovelock considéré comme le père fondateur de la théorie de Gaïa. Cependant, Dutreuil nous relate là aussi une tout autre histoire que celle habituellement racontée : à l’origine, et tout du long, les recherches de Lovelock portent sur la pollution et non pas sur la présence de vie sur Mars. Ainsi «Gaia ne vient pas d’en haut, de l’espace, mais du travail d’en bas, de deux microscopistes des tapis microbiens de Basse-Californie récoltés par Margulis, aux mesures chimiques d’un Lovelock chaussé de bottes.»
À la fin de l’interview, il s’agira de considérer la place prise par Bruno Latour dans la remise au goût du jour de Gaïa.